Timimoun, une petite ville au sud d’Alger, a acceuilli le 18 décembre 2009 une conférence sur le « tourisme durable » où des acteurs institutionnels et privés s’expriment sur l’avenir du tourisme en Algérie.
L’Algérie mise-t-elle vraiment sur le tourisme « durable » ?
Avant la guerre civile, des milliers de touristes atterrissaient chaque hiver à Timimoun, porte d’entrée du Grand Erg occidental. C’est cette époque révolue que souhaite ressusciter le voyagiste Point Afrique en affrétant, jusqu’en avril 2010, un vol hebdomadaire direct entre Paris et Timimoun. Avec un objectif partagé par le gouvernement algérien : développer un tourisme durable.
« Nous sortons d’une longue léthargie. Le tourisme était considéré comme une activité secondaire. Aujourd’hui, c’est un impératif », affirme Mohamed Benelhadj, directeur chargé du tourisme au ministère algérien de l’environnement qui s’exprime au cours d’une conférence consacrée au « tourisme durable » organisée le 18 décembre à Timimoun, une ville de 20 000 habitants située à 1300 km au sud d’Alger. Le représentant du gouvernement affirme encore que « l’Algérie n’urbanisera pas ses côtes comme l’ont fait la Tunisie ou l’Espagne. Nous avons éconduit des investisseurs venus des Emirats qui nous proposaient des milliards de dinars pour construire des buildings le long de la Méditerranée ».
Le pays, qui reçoit chaque année 1,5 million de touristes, essentiellement des Français d’origine algérienne en visite dans leur famille, espère en accueillir 2,5 millions dans dix ans. Comme la côte oranaise et la région d’Alger, le Sahara fait partie des régions appelées à « l’excellence touristique », explique Mohamed Benelhadj.
« Nous avons la conviction profonde que Timimoun a un avenir touristique », lance Maurice Freund, le fondateur de Point Afrique, qui promet à l’oasis des années aussi fastes que celles dont a bénéficié jusqu’à récemment la région d’Atar, en Mauritanie. « Dans cette zone désertique, après le lancement, en 2000, de vols réguliers, les habitants se sont réappropriés l’espace. Le tourisme a apporté des flux financiers et une considération aux villageois », raconte Guy Delbreil, administrateur de Point Afrique.
Développement local
L’arrivée de milliers d’Européens, chaussures de trek aux pieds, aspirant à randonner dans les dunes, modifie durablement l’économie d’une petite ville saharienne. Les tour-operators se dotent de correspondants capables d’accueillir leurs clients et encouragent la création de structures hôtelières au confort occidental. Des métiers nouveaux émergent. Les jeunes, pour la plupart au chômage, peuvent, suite à une formation de quelques mois, devenir cuisiniers, producteurs de légumes, chameliers voire guides. A terme, la population augmente. Chinguetti, une localité du désert mauritanien oubliée depuis deux siècles, a ainsi gagné plusieurs milliers d’habitants en quelques années.
Cet essor économique ne fait pas pour autant du tourisme une activité durable. La saison est courte, cinq mois au maximum, de décembre à avril. Le reste de l’année, comment occuper les saisonniers venus d’ailleurs ? Que deviennent les activités traditionnelles, telles que l’élevage d’ovins ? Et comment des groupes composés d’une dizaine d’Européens qui ne se quittent pas d’une semelle peuvent-ils espérer aller à la rencontre des autochtones ? Enfin, lorsqu’un événement politique impose aux tour-operators de retirer la destination de leurs catalogues, c’est toute l’économie qui s’effondre d’un coup. En Mauritanie, précisément, des enlèvements d’étrangers, revendiqués par Al Qaida, ont mis un coup d’arrêt aux vols directs fin 2009.
Espaces fragiles
L’activité touristique pèse sur l’environnement. « Le désert est constitué d’espaces fragiles », rappelle Mohamed Benelhadj. Pourtant, en Mauritanie comme en Algérie, il est encore des groupes de randonneurs qui enterrent leurs déchets dans le sable au lieu de les emporter. Et certains tour-operators n’hésitent pas à imaginer des circuits en 4×4. Pour Bachar Alkacem, responsable de l’Office national algérien du tourisme (ONAT) à Timimoun, la manne touristique pourrait cependant contribuer à « sauver la palmeraie et les foggaras ». Ce système ingénieux de canalisation irrigue parcimonieusement les cultures depuis des siècles mais, faute d’entretien, il est aujourd’hui menacé d’ensablement.
Les tour-operators français se disent aujourd’hui prêts à « vendre la destination » à leurs clients. Ils exigent cependant que le voyage ne comporte pas trop de contraintes. « Le pays dispose d’un potentiel extraordinaire, mais les contrôles de police, à l’arrivée, durent parfois 5 heures. L’Algérie demande un visa et même, dans certains aéroports, une déclaration de devises », assène Hervé Saliou, directeur de « Comptoirs des déserts ».
En d’autres termes, les voyageurs français, qui croient avoir acquis une randonnée de rêve dans le désert, découvrent à la descente de l’avion qu’ils se trouvent bel et bien en Algérie, un pays qui partage une histoire tumultueuse avec la France. Pour Maurice Freund, il est inconcevable d’ignorer le passé. « La période coloniale et la guerre ont laissé des traces ; il faut en parler », assure-t-il. Pour lui, « le tourisme n’a de sens que s’il permet aux gens de se rencontrer ».
Olivier Razemo
Source: Novethic
Date: Janvier 2010
http://www.aremdt.org/actualite/88
27 septembre 2010
Mohamed Benelhadj