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Déconstruction chez Arkoun

25 septembre 2010

Non classé

  Les critiques de Ron Haleber  La déconstruction de l’islam, chez Arkoun, s’appuie sur la contextualisation du Coran afin de séparer les interprétations doctrinales auxquelles il a naturellement donné lieu, selon les époques historiques et les enjeux de pouvoir, de ce qui transcende ces époques et ces enjeux, c’est-à-dire ce qui est proprement universel dans le message coranique. 

Il ne s’agit donc pas de reprendre la méthode «archéologique» des orientalistes, telles celles de Blachère ou Rodinson, mais de montrer en quoi les écoles dites musulmanes sont des mouvements idéologiques qui vont à l’encontre même d’un texte sacré ouvert, irréductible à toute idéologie parce qu’il traite des conditions-limites de l’être humain – l’être, l’amour, la vie, l’amour…–  et qu’aucune interprétation n’est censée clore définitivement. C’est donc, en fait, la tradition islamique qu’il faut déconstruire, et non le Coran lui-même. Mais cette tradition, englobant pourtant le sunnisme, avec ses quatre écoles, le chiisme ou même le kharidjisme, ne s’étend pas, selon Arkoun, à l’islamisme qui n’apporterait rien de nouveau dans la compréhension de l’islam.  Reste donc la tradition, mais qu’il faut inscrire au pluriel dès lors qu’on parle de la sunna, du chiîsme ou des kharidjites. Chacune d’elle, observe Arkoun, fonctionne comme «un système culturel d’exclusion, en cherchant à affirmer sa primauté, sa priorité, son hégémonie face aux traditions concurrentes. La sociologie du monde musulman contemporain révèle la cristallisation de ces vieilles mémoires collectives et leurs virulentes oppositions». Toutes ces traditions, que l’historien peut recenser, représentent la «tradition exhaustive» dont «la reconstitution est une étape ascétique au cours de laquelle chaque tradition particulière se dépouillera de ses postulats politico-religieux et disqualifiera les idéologies militantes arbitrairement promues au rang de «religion vraie».  D’autant plus qu’«à l’heure actuelle, il n’existe aucune autorité spirituelle, aucun critère «objectif», aucune œuvre privilégiée qui permette de désigner de manière infaillible l’Islam vrai. Cela veut dire que tous les problèmes théologiques traités par les anciens doivent être rouverts et réexaminés en fonction des mutations épistémiques en cours». A la réouverture des portes de l’ijtihad que la tradition a décrété closes, Arkoun ajoute la délimitation du champ critique qui doit s’exercer sur l’ensemble ducorpus coranique :  «Les contestations mutuelles des écoles et des «sectes» (madâhib, tawâ’if) doivent faire l’objet d’un examen prioritaire dans la perspective d’une reprise critique de la tradition islamique exhaustive. Pour des raisons à la fois linguistiques, littéraires, théologiques, historiques, le hadith a fait l’objet d’une sélection arbitraire imposée sous les Omeyyades et les premiers Abbasides, lors de la constitution des corpus dits authentiques. Il serait encore plus intéressant de pousser l’enquête sur les contestations soulevées à propos de la constitution du corpus coranique».  Ron Haleber* émet un certain nombre d’observations et/ou réserves sur le programme de déconstruction tel qu’envisagé par Arkoun dans un article en anglais intitulé «Pour un remembrement de la conscience islamique» (tiré de l’ouvrage «Critique de la raison islamique» et détaillant en dix points ce programme. L’une d’elles, la principale à vrai dire, considère que la «tradition exhaustive» de Arkoun paraît bien «restrictive» dès lors qu’elle exclut du champ critique l’islamisme, le nationalisme – qui n’est qu’une forme étatique de l’islamisme – ou les traditions populaires, soufies par exemple. «La tradition exhaustive, telle que la conçoit Arkoun, vaut comme objet d’étude scientifique, pour autant qu’elle ait été purifiée de tout ce qu’Arkoun estime idéologique – cette purification limite pourtant son caractère exhaustif. L’étude utilise les notions d’archéologie, de déconstruction et de critique logocentriste, qu’a développées la pensée postmoderniste (…) De même que les islamistes, Arkoun ne veut pas baser son étude du fait du Coran sur une école particulière, – toute école ayant fonctionné comme un système culturel d’exclusion -, mais, contrairement aux islamistes, Arkoun fait appel aux sciences humaines pour déconstruire la totalité de l’imaginaire des mouvements classiques (…) La méthode ascétique préconisée par Arkoun reste assez énigmatique. On peut penser qu’elle est en contradiction avec sa première thèse, qui pose la nécessité de comprendre les significations des données en fonction du cadre historique qui les a produites. Comment obtenir une compréhension intégrale de la tradition, s’il faut l’abstraire de son contexte politico-religieux. Comment, par exemple, analyser Ibn Tamiya, s’il faut enlever à ses écrits leur idéologie militante et les dépouiller de leurs postulats politico-religieux? L’ascétisme scientifique d’Arkoun ne mène-t-il pas à cette même attitude prétendument objective, qu’il reproche aux orientalistes? N’est-ce pas le choix fait par Arkoun, choix qui veut exclure le champ politique, et toutes les disciplines scientifiques qu’il implique, qui se venge ici?  Pressé de déconstruire la déconstruction projetée par Arkoun, Haleber accumule ce qui lui paraît comme contradictions dans la démarche du penseur algérien, sans soumettre ses propres jugements ou observations à une rigueur critique dont il dénonce systématiquement, presque argument par argument, l’absence chez Arkoun. Or, ce dernier entend déconstruire un système érigé par des écoles et des sectes, le système islamique, à partir d’un texte, le Coran, en son nom, et souvent contre son esprit, voire contre la lettre coranique même. Encore une fois, ce n’est pas le Coran qu’il veut déconstruire mais les interprétations qui en ont été faites, en les contextualisant par la méthode historique et en les dépouillant des enjeux de pouvoir qui les ont suscitées et articulées en dogme. Haleber ignore-t-il que toutes les formes d’islamismes s’appuient sur la tradition, en particulier sur l’école hanbalite à laquelle appartenait Ibn Taymia, promoteur de la salafya, dont va s’inspirer le wahabisme au XIXe siècle ? Arkoun n’exclut pas le contexte d’Ibn Taymia, au contraire, puisqu’il appelle à le rendre plus manifeste. Mais son propos central réside dans la délimitation du champ épistémologique, seule approche possible à la critique de la raison islamique. L’idéologie politique importe moins que la mise en œuvre de ce champ et son investigation, avec les outils de la science. Arkoun propose une connaissance rationnelle, basée sur la rationalité des Lumières ; des islamistes, une vérité basée sur une tradition – dont Ibn Taymia à juste titre fait partie – qui si elle diverge en certains points avec telle ou telle école, n’en constitue pas moins le prolongement et la fidèle héritière ; tandis que les Orientalistes entendent réduire le texte sacré au processus historique de son élaboration, et interpellent de cette manière l’acte de foi lui-même, le croyant, qui se voit ainsi disqualifié dans sa croyance. Les trois ne mènent pas le même combat.  Pour ce faire, Arkoun parle de «tradition exhaustive», c’est-à-dire du lieu où doit s’entreprendre la déconstruction. Contrairement à ce qu’estime Haleber, il ne se fait pas restrictif, mais très large, puisque cette tradition exhaustive englobe toutes les écoles et sectes qu’elles soient sunnites, shi’ites ou kharidjites ; à l’exclusion de leurs dérivées idéologiques – mais pas du soufisme, par exemple. «La tradition exhaustive doit faire l’objet d’une patiente enquête archéologique pour retrouver et reconstituer – si possible – ses parties avortées, refoulées, discréditées et non plus seulement ses affirmations les plus solidaires d’un État et d’une religion officiels». Mais que se passera-t-il ensuite, une fois cette «patiente enquête» menée à son terme ? C’est la mauvaise réponse de Haleber à cette question qui abîme son argumentation, lorsqu’il écrit : «La rhétorique programmatique d’Arkoun ne nous dit pas comment réconcilier toutes les contradictions concurrentes nées de la confrontation des différentes écoles et des traditions diverses. Comment disparaîtront toutes ces divergences dans une vision unifiée et intégrale? On ne peut qu’espérer que l’application du programme archéologique proposé par Arkoun, en démasquant et en procédant à une purification ascétique des idéologies, nous mènera à un résultat univoque en accord avec notre compréhension moderne et scientifique». Or, il ne s’agit pas, en soumettant la raison islamique à la critique rationnelle, de parvenir à une «réconciliation des contradictions» ou à une «vision unifiée et intégrale» après quoi il ne nous resterait qu’à nous asseoir sur un «résultat univoque en accord avec notre compréhension moderne et scientifique». Libérer la raison islamique de ce qui l’obstrue et lui pose problème, dans sa quête légitime d’adaptation à la modernité, ne signifie pas l’enfermer aussitôt dans un autre problème définitif, où il n’y aurait plus rien à dire. Si Haleber ne l’a pas bien compris, il me semble que chez Arkoun l’objectif n’est pas de figer la raison islamique en la démasquant, par la science, mais de la hisser au niveau de ses possibilités potentielles. Arkoun veut certes abattre l’édifice dans lequel l’islam, en tant que théorie et pratique, a entrepris de s’abriter, comme par crainte du monde. Déconstruire l’édifice en question – et non l’âme qui y demeure, ce qui relèverait d’ailleurs de la psychanalyse – c’est montrer, à des yeux obscurcis par des siècles d’enfermement et apeurés par tant d’oppression, la voie qu’ont su emprunter ceux qui ont fait la gloire de la civilisation islamique.            * Le désarroi de la raison islamique face à la modernité occidentale   A. K.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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