En premier lieu, je vous remercie de l’intérêt que vous commencez à porter à notre langue nationale tamazight. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Cependant, je vous informe que des spécialistes berbérophones et berbérisants se sont penchés sur le choix du système de transcription, et ce, depuis déjà bien longtemps. Donc, pour ces aspects techniques et politiques, le débat est ancien et, pour faire court, je vous renvoie seulement aux réponses qui vous ont été faites respectivement par ce groupe de citoyens
(Le Soir d’Algérie du 08.08.2010), par M. Djaâfar Messaoudi ( El Watandu 25.08.2010), par le Dr Lounaoussi ( Liberté du 31.08.2010) et enfin par M. Arezki Metref ( Le Soir d’Algériedu 07.09.2010).
Pour ma part, puisque vous vous êtes permis de nous donner un conseil d’ami, je me suis dis que je peux également me permettre de vous donner un autre conseil d’ami. En effet, vos travaux révèlent en vous des intellectuels de valeur et professeurs émérites à la fois francophones et défenseurs de la langue arabe, aimant les langues et ayant le souci de communiquer avec ces jeunes auxquels on a imposé le monolinguisme arabisant, ouverts aux autres cultures du monde et qui viennent à peine de découvrir que leur pays a une autre langue qui s’appelle tamazight ; inscrits dans la modernité et refusant à d’autres jeunes Algériens berbérophones de choisir cette voie de la modernité ; et, enfin, conscients du sinistre qui frappe de plus en plus l’école algérienne et continuant à détourner votre regard des causes de ce sinistre. Et pourtant, je suis convaincu que vous avez toutes les compétences requises et que vous remplissez toutes les conditions nécessaires pour essayer de sauver notre école, du primaire jusqu’à l’université, de ce naufrage qui la rapproche de plus en plus des abysses. Et pourtant, je suis convaincu que vous avez fait votre propre constat et que vous n’ignorez pas ceux publiés, par exemple, par le regretté Abdellah Mazouni ( Culture et enseignement en Algérie et au Maghreb. Ed.Maspéro 1969), le regretté Mustapha Lacheref ( Diagnostic du système éducatifqui a fait l’objet de différents articles publiés par la presse après son accession au poste de ministre de l’Education), par la courageuse Malika Boudalia Greffou (L’école algérienne de Ibn Badis à Pavlov. Ed. Laphomic 1989), par le brillant Mohamed Benrabah ( Langue et pouvoir en Algérie. Ed. Segier 1999). Mon conseil est donc le suivant : pourquoi vous ne vous recyclez pas en langue arabe pour transmettre votre riche savoir à nos étudiants arabisants qui en ont tant besoin aujourd’hui pour les sortir du XIVe siècle et les projeter enfin dans le XXIe ? Pourquoi leur laissezvous comme seul horizon ce destin de «hittiste» avec un œil qui lorgne vers les maquis et un autre vers la harga ? Comment se fait-il que vous ne vous rendez pas compte que vous avez appris des langues et acquis des diplômes et du savoir qui vous permettent aujourd’hui d’enseigner dans des universités étrangères, alors que vos jeunes frères apprennent une langue qui ne leur permet «même pas de monter un âne», comme le disait feu Mouloud Kassim qu’on ne pouvait pas soupçonner d’anti-arabisme ? Pourtant, il vous suffit d’un petit effort pour suivre un stage de recyclage en langue arabe et vous rendrez un grand service à nos jeunes étudiants arabisés auxquels vous transmettrez ce savoir universel et contemporain qui pourrait les aider à mieux maîtriser leur destin et mieux assurer leur avenir. Grâce à vous, ils pourront sortir du culte de la mort et des mythes du passé pour entrer dans le monde des sciences, des technologies modernes et de la libre pensée. Ils pourront enfin sortir de la catégorie des imitateurs et de consommateurs pour devenir décideurs et créateurs. Ils seront ceux qui cultivent l’amour au lieu de cultiver la haine. Du statut de «tubes digestifs» assistés, ils s’élèveront ainsi au statut de citoyens responsables et maîtres de leur destin. Voilà donc ce que j’attends de vous, chers professeurs, c’est de laisser la démagogie aux démagogues.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/09/18/article.php?sid=106073&cid=41
18 septembre 2010
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