Impressionnante selon tous les observateurs, la mobilisation hier sur tout le territoire français derrière les syndicats est l’une des plus importantes depuis des années. Le refus de la réforme des retraites souhaitée par le patronat français et mise en œuvre par l’exécutif derrière le Premier ministre Fillon en est le prétexte officiel.
Mais le malaise social est profond, le démantèlement des acquis sociaux méthodiquement entrepris depuis l’arrivée à l’Elysée de Nicholas Sarkozy nourrissant un mécontentement qui va s’amplifiant au fil des mois. Le report de l’âge de départ à la retraite, combiné à l’érosion de la protection sociale, dont la fermeture d’hôpitaux est l’un des éléments les plus frappants, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase d’une rancœur populaire très perceptible. Le spectacle d’une classe dirigeante engluée dans ses relations troubles avec les puissances d’argent alimente un climat de désenchantement où l’inquiétude du lendemain le dispute à l’écœurement.
Eric Woerth, ministre chargé du Travail, chargé du dossier des retraites, fortement soupçonné de trafic d’influence et de conflit d’intérêts du fait de ses relations avec la milliardaire Liliane Bettencourt et son entourage, est totalement discrédité. Des voix de plus en plus audibles mettent en cause le chef de l’Etat lui-même et l’accusent de n’être que l’exécutant d’une politique au service exclusif des grandes fortunes.
La chute de popularité de Sarkozy est sans précédent dans les sondages. Fait rare dans un exécutif bicéphale, le Premier ministre souffre également d’une forte perte d’audience. La cassure est nette et semble difficile à réparer. Les tentatives de remobilisation de l’électorat populaire de droite sur le thème de la sécurité semblent avoir fait long feu. Les gesticulations estivales du ministre de l’Intérieur autour des Roms, populations nomades européennes, n’ont que peu impressionné les franges électorales sensibles au discours de la peur et promptes à endosser le discours xénophobe de l’extrême droite. La manœuvre a suscité des divergences publiques au sein même du gouvernement et dans les rangs du parti majoritaire.
De fait, la tentative de diversion sécuritaire cousue de fil blanc semble avoir fait long feu. Le seul résultat concret étant le dommage causé, à travers le monde mais aussi chez ses partenaires européens, à la réputation de la patrie des droits de l’homme. Sous l’impulsion de bases très remontées, les syndicats n’en démordent pas et promettent la répétition de manifestations et de la mobilisation dans les semaines à venir.
Enjeu majeur du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la réforme des retraites creuse d’autant plus les antagonismes que le gouvernement semble inflexible. Beaucoup estiment que le report de l’âge de départ à la retraite semble inéluctable compte tenu de l’augmentation de la durée de vie moyenne. Mais les opposants en rejettent son caractère injuste qui fait porter le plus lourd des sacrifices aux salariés. Les scandales et l’image d’un pouvoir sourd aux revendications populaires sont les ingrédients premiers d’une contestation puissante et peu disposée à accepter les arguments du gouvernement. La réalité sociale a donc rattrapé le pouvoir français, reléguant au rang d’accessoires les problématiques identitaires et sécuritaires sur lesquelles les dirigeants français comptaient pour détourner l’attention de l’opinion.
8 septembre 2010
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