Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com
Il n’y a pas à dire : les feuilletons égyptiens sont peut-être insipides, et sans saveur dans l’ensemble, mais on s’ennuie sans eux. Ce Ramadan, mois des feuilletons par excellence, aura manqué de ce sel qu’apportaient chaque année les séries venues d’Égypte. On s’ennuiera encore plus pour ces derniers jours, maintenant que nous n’avons plus Saâdane comme dérivatif.
Eh oui ! Il a fini par craquer, l’entraîneur national, et par lâcher le banc sur lequel il se tenait immobile, comme figé pour l’éternité. La statue a bougé et a regagné les vestiaires, pour en ressortir par une issue dérobée, comme tous les dieux du stade déchus. Habitué à gagner par zéro à zéro, comme avec l’Angleterre, Saâdane a fini par perdre, un but à un, contre la très modeste équipe de Tanzanie. Je m’arrête ici pour ne pas m’entortiller davantage avec la meute qui va, ou qui ira à la curée. D’ailleurs, je ne m’en fais pas trop pour l’avenir de Saâdane qui finira, dans le pire des cas, comme chauffeur de taxi à Montréal. Échange de bons procédés oblige. En tout cas, il ne sera plus là pour servir de paratonnerre, face aux foudres des supporters déçus, mais que dire des joueurs ? Attendezvous, dans les prochains jours, à en voir et à entendre de belles sur les sélectionnés, y compris de la part des favoris de l’ex-entraîneur national! Déjà, le pauvre M’bolhi, gardien de but adulé il y a quelques semaines, est le pigeon favori sur le stand de tir improvisé. C’est le quotidien Al-Nahar qui a ouvert le feu, en premier, avec un coup, pas très franc et vicieux, tiré de façon indirecte et la Bulgare. Ce sont les journaux bulgares, en effet, qui ont été appelés la rescousse pour démolir l’idole, et ils ont bien fait leur travail, à en croire les morceaux choisis par Al-Nahar. Au palmarès des mal aimés, M’bolhi a vraiment la cote avec des journaux comme Al-Nahar. Déjà montré du doigt, comme principal animateur des «orgies» supposées de joueurs de l’équipe nationale, M’bolhi est désormais coresponsable de nos déboires, avec Saâdane bien sûr. Les tireurs embusqués aux abords de la surface de réparation, en position de hors-jeu, diront encore que les origines ethnicoreligieuses de M’bolhi n’y sont pour rien. Sceptique au-delà de toute mesure, je ne suis pas près de croire à la sincérité des intentions chez certains confrères(1). Dans notre malheur, si je puis dire, nous avons au moins la consolation de savoir que notre voisin marocain et futur adversaire n’a pas fait mieux. Les Marocains n’ont réussi qu’un match nul, et sur un score vierge, lors de leur match de samedi contre la Centrafrique. Ils avaient l’avantage psychologique de jouer, au lendemain de la rencontre Algérie- Tanzanie, mais ils n’en ont pas profité. Je ne suis pas sûr, du reste, que le demi-échec du Maroc soit vraiment de bon augure pour nous. Il faut sans doute se rappeler que dans cette équipe du Maroc, joue un certain Chamakh, et que ce joueur est hyper motivé lorsqu’il est aligné contre l’Algérie. Souhaitons qu’il ne s’avise pas de combler son déficit en buts, au détriment de notre équipe nationale, et que la loi des séries joue, pour une fois, en notre faveur ! En attendant, les Marocains qui n’ont pas boycotté les feuilletons égyptiens commencent à se demander s’ils ne seraient pas plus avisés de nous imiter. Les Égyptiens n’ont, certes, jamais accusé les Marocains d’atteinte aux fondements de la pureté ethnique, tels que définis par la Ligue arabe. Ils ne se sont jamais hasardés à traiter ses habitants, plus amazighs que nous, de «Berbères», sans Histoire et sans gloires. Ce qui démontre leur faiblesse insigne en géographie et surtout en Histoire, la matière au plus faible coefficient dans le cursus scolaire arabe. À tel point qu’on pouvait se demandait s’il n’y avait pas là matière à collusion, voire à coalition anti-algérienne entre Le Caire et Rabat. Il n’en est rien puisque tout complot potentiel est éventé depuis la diffusion de ce feuilleton égyptien, intitulé Al’aâr (la Honte ou le Déshonneur). Les Marocains sont doublement en colère, à la fois contre les intentions du réalisateur égyptien et contre l’actrice marocaine Imène Chaker. Cette dernière, lit-on sur le magazine Elaph, a été élue en 2009 reine de beauté du Maroc puis du monde arabe. Dans la même année, elle a également reçu la distinction de super modèle arabe. Imène joue dans le feuilleton Al’aâr le rôle d’une fille de joie que se disputent un trafiquant de drogue et un milliardaire du Golfe. Normalement, la nationalité de la prostituée n’est pas précisée dans le feuilleton, même si son interprète est la Marocaine Imène Chaker. Mais lorsque l’acteur Youssef Chabane(2) lui parle, elle répond, avec son accent natal, qu’elle ne comprend pas ce qu’il dit parce qu’elle est marocaine. C’est cette réplique qui a plus sûrement mis le feu aux poudres, au Maroc, où les médias et les associations féminines se sont insurgés contre des procédés qui ternissent l’image de la femme marocaine. Khadidja Riadhi, une militante des droits de la femme citée par Elaph, affirme qu’il y a une tendance globale dans le monde arabe à présenter une image négative de la femme, perçue comme un objet sexuel. L’incident est d’autant plus malvenu qu’il survient quelques jours après un autre tollé soulevé par un dessin animé diffusé sur la chaîne koweïtienne El-Watan. Réalisée par le Koweït, «Bouktada et Abou-nabil», une série animée, raconte les aventures marocaines de jeunes Koweïtiens. Ce feuilleton qui aurait fait l’objet d’une protestation officielle des autorités marocaines auprès du gouvernement koweïtien est considéré comme une insulte pour le royaume. Non seulement les deux voyageurs doivent s’acquitter d’un bakchich auprès des agents des autorités aéroportuaires, mais ils doivent subir aussi le harcèlement des femmes marocaines. Nos riches Koweïtiens sont, en effet, pris dans les rets de suborneuses marocaines qui ont recours à des artifices et notamment la sorcellerie pour se faire épouser. Au moment où ils vont succomber et prononcer la formule fatale qui fait d’eux des polygames légaux, c’est le coup de théâtre ! Les épouses des deux jeunes gens qui se méfiaient des séductions marocaines et les avaient suivis mettent en échec le complot. Les Marocaines, et bien entendu les Marocains, sont de plus en plus excédées par la façon dont elles sont perçues dans le monde arabe. Toutefois, ce n’est pas sans raison que cette image de la femme marocaine «voleuse de maris» est véhiculée. À la mi-août, l’écrivaine saoudienne Wajiha Al-Howeidar, connue pour ses positions féministes, avait publié la lettre ouverte d’une épouse des Émirats au ministre marocain de la Justice. L’épouse se plaignait du fait que son mari l’avait abandonnée avec ses trois enfants, pour épouser une Marocaine dont il était tombé amoureux. En mars dernier, Wajiha s’était fait l’avocate d’une épouse saoudienne, victime de la même mésaventure. C’est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu, surtout quand il vous prend quelque part. Mais si vous ne voulez pas que vos maris succombent au charme des Marocaines, Mesdames, revenez plus souvent à vos miroirs! Mieux encore : ne les lâchez pas d’une semelle, surtout lors de leurs voyages d’affaires au Maroc !
A. H.
1) Belle leçon d’humilité chez Al- Nahar qui affirme, photos à l’appui, que le journal L’Equipe a imité sa «une» de samedi dernier. «La Catastrophe», titre Al-Nahar, «Catastrophique», réplique L’Equipe. La vraie catastrophe, c’est que les «unes» datent du même jour. Faut-il en déduire qu’il y a une taupe française à Al-Nahar ?
2) L’acteur bedonnant et séducteur des années cinquante et soixante est toujours là, mais dans un autre registre, celui de musulman pieux, arborant les stigmates de multiples prosternations et celui de berger pour brebis égarées.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/09/06/article.php?sid=105576&cid=8
6 septembre 2010
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