Une sorte de bigoterie volontaire veut qu’on ne parle du Ramadhan qu’en parlant du ramadhan : c’est-à-dire sur les deux modes admis : folklore et rites religieux. Dans la culture nationale, le Ramadhan est une sorte de mois folklorique,
propice à l’expression culturelle (souvent cantonnée à la mode urbaine et aux musiques douces), des retours sur des recettes de cuisine et des cycles de prétendues veillées ramadanesques. En parallèle, un autre ramadan, tout aussi officiel, multipliera les causeries religieuses, les sorties des Cheikhs superstars des émotions et des lectures qui donnent des larmes (indice de foi non négociable), les émissions religieuses, et la course aux prières des Tarawih avec un excès de discours sur les vertus de ce mois. Reste un 3ème ramadan qui n’est pas un mois sacré mais un mois carnivore : le mois durant lequel les jeûneurs se mangent les uns les autres. La sorte de bigoterie nationale ne veut pas dire, ni admettre ni accepter et traiter l’un des plus évidents constats : ce mois est une période de violence sociale inouïe. C’est durant ce laps de temps, prétendument consacré à Dieu et à la méditation sur le corps et l’esprit, que les statistiques des agressions, vols et cambriolages atteignent des sommets. C’est pendant cette période que les «trafics», les spéculations, les infractions et les tricheries sur les commerces deviennent une hystérie collective. C’est pendant ce mois que les accidents de routes sont les plus concentrés. Et c’est pendant ce mois qu’on enregistre le plus de disputes domestiques, de gangstérismes, de guerre de quartiers et même de meurtres. Ceci, sans parler du coût économique des absentéismes ou de la sous-productivité. Le sujet n’est même plus un tabou, sauf en façade. Le pire cependant est qu’on continue de refuser ce constat et à nourrir encore cette schizophrénie du comportement social, idéalisé par un comportement religieux théorique mais démenti par le réel. Les prêches des religieux continuent à ronronner sur les vertus du jeûne comme si les jeûneurs n’existaient pas, les structures administratives de l’Etat continuent de parler de charité, de paniers et de campagnes de contrôle des commerces et des prix, et les islamistes continuent de surveiller les Chinois qui mangent des casse-croûte à midi en public. La « pratique » de ce mois et ses modes offrent pourtant un véritable tableau clinique et concentré sur les affreuses maladies de ce pays et de son peuple, au point de pousser à déclarer le Ramadhan (la pratique pas le rite, pour répondre aux imams auto-déclarés) comme une véritable risque pour la sécurité du pays. Personne ne veut en traiter les excès, les intolérances, les hystéries et les violences, au nom d’une sorte de consensus béat sur le rite et son sens. Depuis des années, et surtout après la guerre des années 90, on est déjà loin du classique accès de colère du fumeur au matin, et déjà dans le cannibalisme pur et dur. Une sorte de maladie qui s’accentue avec le temps en accentuant son déguisement rituel.
La cause ? La bigoterie : plus on parle de Dieu et de l’Islam, moins on parle de ce que font vraiment les hommes.
2 septembre 2010
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