Par Hassane Zerrouky
En visite en Italie, le guide libyen a fait l’événement des médias locaux. En marge du programme officiel, Maâmar Kadhafi a tenu deux conférences-débats avec deux groupes de jeunes femmes. A la première assistaient 500 femmes, à la seconde 200.
Selon la presse italienne — je n’invente rien — ces jeunes femmes avaient été sélectionnées par une agence d’hôtesses et rémunérées à hauteur de 80 euros pour écouter le guide libyen. Et que leur a-t-il dit de si grave, au point de provoquer la colère des médias et des milieux politiques italiens ? Ceci : «L’Europe doit se convertir à l’Islam» et «les femmes sont plus respectées en Libye qu’en Occident». Cet appel à se convertir à l’Islam lancé à Rome où se trouve le siège du Vatican a fait s’étrangler d’indignation les catholiques locaux. Le secrétaire de la Congrégation (vaticane) pour l’évangélisation des peuples, Mgr Robert Sarah, a pieusement regretté dans le journal La Repubblica les déclarations de Kadhafi qui, selon lui, a manqué de «respect et de délicatesse envers le pape et l’Italie, pays dont tout le monde sait qu’il est majoritairement catholique ». Côté politique, le soussecrétaire d’Etat Carlo Giovanardi, cité par l’AFP, a déploré que «pendant que Kadhafi peut venir dire ce qu’il veut à Rome, le pape ne peut pas faire la même chose à Tripoli ou en Arabie saoudite», tandis que Mario Borghezio, membre du parti populiste de la Ligue du Nord, s’est faussement inquiété d’un «projet dangereux d’islamisation de l’Europe» ! Quant à Silvio Berlusconi, il s’est abstenu de tout commentaire : sans doute seuls comptaient à ses yeux les mirobolants contrats que s’apprêteraient à signer les entreprises italiennes en Libye. Le dirigeant libyen a abordé un autre sujet (l’immigration africaine), qui n’a curieusement soulevé ni la même polémique ni la même indignation. Pour «stopper» l’immigration clandestine, «la Libye soutenue par l’Italie demande à l’Union européenne au moins 5 milliards d’euros par an», a-t-il déclaré en présence du président du Conseil italien Silvio Berlusconi. Sinon, a-t-il prévenu, «demain peut-être que l’Europe ne sera plus européenne et même noire car ils sont des millions (d’Africains) à vouloir venir (…) Nous ne savons pas ce qui se passera, quelle sera la réaction des Européens blancs et chrétiens face à ce flux d’Africains affamés et non instruits (…) nous ne savons pas si l’Europe restera un continent avancé et uni ou s’il sera détruit comme cela s’est produit avec les invasions barbares». Et, selon lui, «la Libye est la porte d’entrée de l’immigration non souhaitée» qu’il faut «stopper sur les frontières libyennes». Qu’en pensent les concernés, à savoir les Africains ? Les réactions ne vont certainement pas tarder. Sans attendre, les propos du dirigeant libyen sont déjà exploités à travers le Web pour donner une nouvelle fois une image déplorable du monde arabe et islamique. Certes, ils n’engagent que le dirigeant libyen. Mais allez l’expliquer à l’Européen lambda quand chacun sait que les milieux de droite et xénophobes européens sont très prompts à faire d’une exception la règle. Surtout quand, dans les pays musulmans, la tolérance est une denrée rare, que dans certains d’entre eux la lapidation, pratique moyenâgeuse, est encore de règle. Sans compter un sous-développement quasi général, des inégalités sociales croissantes, que masque difficilement une richesse pétrolière dont là également chacun sait qu’elle ne va pas durer éternellement. Ce jour-là, les peuples de ces pays paieront socialement très cher le populisme et les frasques de leurs dirigeants.
H. Z.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/09/02/article.php?sid=105399&cid=8
2 septembre 2010
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