Etrange coïncidence : il y a le même problème à Aghrib, village algé rien de la Kabylie et à New York, ville américaine du monde entier. Lequel ? La construction d’une mosquée. D’ailleurs,
il y a presque les mêmes soucis pour Obama, le Président américain accusé de s’appeler Hocine et Saïd Sadi, chef du RCD accusé d’être laïc, c’est-à-dire athée en « traduction » extrémiste. Obama est né aux Etats-Unis, Sadi est né à Aghrib. Que s’est-il passé ? A Aghrib, c’était simple : sur une population de plusieurs milliers d’habitants, proches, parents et voisins, quelques centaines ont choisi de construire une mosquée près d’un mausolée respecté dont les travaux de maçonnerie ont été financés par Sadi selon les dires. Rompant un équilibre séculaire comme on l’a fait pour le pays en 90 avec le FIS, un courant a donc réuni l’argent, les autorisations et la force pour s’imposer au nom de Dieu dans un lot de terrain. Par la suite, le reste de la population a dit non puis a cassé les piliers de la carcasse de la mosquée, violemment.
Le problème de la symbolique (comme pour la symbolique d’une mosquée à Ground Zero, lieu des attentats du 11 septembre) viendra donc très vite se poser : 1° – La symbolique de la destruction d’une mosquée (qui n’en est pas encore une) par des bulldozers. 2° – Le fait que cela a été fait à Aghrib, c’est-à-dire en Kabylie. 3° – Le calendrier du ramadan n’aidant ni au calme ni à lutter contre la violence. Du coup, la meute est lâchée : des journaux post-Fis qualifient les habitants d’impies et l’acte d’apostasie. Du coup, les minoritaires d’Aghrib qui sont majoritaires dans le pays montent au créneau.
Du coup, le RCD s’en mêle et ses élus et les maires. Par la suite, les islamistes du MSP et d’El Islah qui ne disent rien quand on consacre 5 milliards de dollars pour construire la plus grande mosquée au lieu de construire le plus grand pays du Maghreb et d’Afrique, qui ne disent rien à Berriane ou quand un harrag se noie ou qu’un cadre vole l’argent de l’autoroute qu’ils contrôlent, « condamnent », s’emportent, questionnent et s’indignent.
C’est donc désormais, Comité du village contre islamistes, RCD contre MSP et, par glissement, quelque chose de plus terrible aux yeux du reste de l’opinion moyenâgeuse du peuple : Allah contre des démocrates ou même des Koufar. Un journal rapporte qu’un autre journal a qualifié des habitants d’Aghrib qui ne veulent pas deux mosquées séparées par dix mètres comme ailleurs dans le pays, de « gens de l’Eléphant », Ashab El Fil, les armées d’Abraha le bonhomme mythique qui a tenté de détruire la Kaâba avec le Bull de ses éléphants et qui a été battu par des oiseaux envoyés par Dieu. C’est dire où nous en sommes arrivés : il suffit d’une barbichette pour se croire envoyé par Dieu pour prendre le Pouvoir et il suffit d’un problème de démocratie dans un village pour comprendre que le reste du pays n’est pas démocrate mais théocratique, talibanisé et sans pitié pour la différence ou la tolérance. Les gens d’Aghrib ne sont pas seuls cependant: ils n’ont pas le soutien du reste de l’Algérie moderniste qui n’existe plus, mais, au moins, l’exemple parallèle de New York. Là aussi on veut construire une mosquée, mais dans l’autre sens: pas pour prouver que les islamistes existent mais pour prouver que Dieu s’appelle aussi Allah. « Non», selon un gros pourcentage d’Américains qui croient qu’Obama est un musulman caché comme certains croient que Sadi est un antimusulman embusqué. A New York, « les éléphants » sont bizarrement les républicains. C’est leur coqueluche, contrairement aux démocrates représentés par l’âne. Dans une sorte de jeux de sens et de non-sens, les djihadistes vous diront que les oiseaux Ababil sont les avions du 11 septembre. On n’en sort donc pas. D’autant que le 11 septembre de cette année sera la date de l’Aïd et de la commémoration. De quoi animer une nouvelle guerre de religions (sujet de la chronique de demain). Que se passe-t-il donc à New York ? Un imam veut construire une mosquée à quelques mètres de Ground Zero, le quartier martyr sur lequel s’est écrasé l’un des avions d’El Qaïda. Une grosse partie de l’opinion américaine s’indigne, Obama dit que la constitution US garantit la liberté de culte mais se rétracte, rompt le ftour à la Maison-Blanche et se soutient, se voit lapidé et se tait. L’imam de Ground Zero est mal vu aux Etats-Unis parce que musulman, et il est mal vu dans le monde musulman parce qu’américain.
Questions : a-t-on besoin de construire une mosquée à Ground Zero au prix d’une nouvelle guerre et avec la facture d’un plus grand malentendu entre confessions ? A-t-on besoin de construire une nouvelle mosquée à Aghrib au prix d’une fitna nationale ? Réponse : on a besoin de démocratie : à Aghrib une minorité veut s’imposer au nom de la Majorité d’Allah et construire une mosquée que la majorité d’Aghrib ne veut pas. Aux USA, une majorité ne veut pas d’une mosquée à Ground Zero, contre le principe de la démocratie, et donc contre le vœu d’une minorité. Le problème est là : intolérances et abus de Pouvoir au nom de Dieu et d’Allah. Le reste, islamistes, djihadistes, extrémistes de la droite évangéliste ne sont que la même population déguisée. Ici et là-bas. Dans le monde mondialisant, Aghrib se retrouve à quelques kilomètres de New York. Au nom de la démocratie, on peut refuser une mosquée. Au nom de la démocratie aussi, on peut aussi l’imposer. Et c’est ça l’avantage de la démocratie sur le reste des croyances : le respect.
28 août 2010
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