Edition du Samedi 08 Août 2009
CHRONIQUE DE MUSTAPHA MOHAMMEDI
NOIR ET BLANC
Par : Mustapha Mohammedi
Personne n’a jamais su vraiment qui elle était, ni même d’où elle venait.
Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé au village…
…Si on peut appeler village, un lieudit de deux mille âmes qui servait, il y a encore quelques années, de passage vers les immenses étendues du désert.
Des curieux ont bien tenté d’apprendre un peu plus mais c’était sans compter sur la vigilance des militaires français.
Dans ce trou perdu de la steppe qu’était Aflou en ce début du vingtième siècle, cette femme à la peau mate, ni tout à fait noire ni tout à fait blanche, intriguait tout le monde.
Qui était-elle pour imposer autant de respect aux militaires qui la surveillaient de près, et qu’avaient-ils à craindre d’une quadragénaire sans défense forcée à la réclusion ?
Pas grand-chose mais les ordres venaient de Paris et ils étaient stricts : Aucun contact entre elle et la population indigène, isolation totale.
Les soldats du cantonnement ne la quitteront pas une seule seconde.
Le mystère qui l’entourait enflammait bien des imaginations. On en parlait, le soir sous la tente, entre Bédouins mais le sujet était vite épuisé parce qu’on se rendait compte qu’il dépassait les limites du djebel Ammour. Avec le temps, cette histoire sera vite oubliée…
…Jusqu’au lendemain de l’Indépendance lorsqu’une délégation officielle malgache vint récupérer les restes…
…de leur dernière reine.
C’est une stratégie bien française et bien éprouvée : Quand un peuple gronde et fait du bruit, elle réduit son meneur au silence. C’est le cas pour Mohamed V exilé, lui et sa famille… curieusement à Madagascar, c’est le cas pour Bourguiba banni à Boussemghoun près de Saïda, c’est le cas pour les hommes de hadj Mokrani jetés sans pitié sur un caillou du Pacifique, en Nouvelle-Calédonie.
Paix à cette courageuse monarque. Un cocotier de son île vaut tout l’alfa de son exil…
M. M.
20 août 2010
Contributions, M. MOHAMMEDI