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Le Ramadan… est-il encore cette épreuve spirituelle ? par Farouk Zahi

19 août 2010

Contributions

Ils sont deux à être aiguisés, ces attributs sensoriels avec lesquels on aborde ce mois dit, communément, sacré.



Il s’agit des sens visuel et olfactif. Si le premier est objectivé par la matérialité des victuailles, il n’est, malheureusement, pas de même pour le second ; incontrôlable, il capte les effluves à des dizaines de mètres. Le jeûneur, succombera aux chants des sirènes culinaires. Orientaux ou méditerranéens, les ingrédients se déclinent sous les vocables de poivre, cumin, safran, carvi, cannelle, anis et les aromates sous ceux de thym, persil, laurier et coriandre. A l’enregistrement des données olfactives, l’esprit se formate instantanément pour élaborer son logiciel de rupture de jeûne. La vue déambulera ensuite, comme doté d’un faisceau laser, pour complément de festin. Les jeuneurs invétérés ont, même, leurs pages jaunes où ils peuvent s’informer sur les places fortes de l’hallucination ramadanesque. On apprend ainsi que c’est à Hadjout que l’on trouve la meilleure viande caprine ; on évoque à ce titre, la pauvreté de cette chair en matières cholestérémiantes. Médèa offrirait, de la viande ovine à moins de 700 Da le kilo. Boufarik, indétrônable sur le marché de la z’labia de même nom, a perdu son leader ship sur la limonade au jus de citron, détrôné par Koléa et Bou Ismail. Maintenant, en ce qui concerne le lapin, l’oie ou même le canard, l’ancien marché couvert d’El Harrach, offre les « proies » choisies sur pied et ensachées dégoulinantes d’hémoglobine. Certains tentent, même, le long périple des Hauts plateaux pour la viande de mérinos des Ouled Djellal. Quant aux adjuvants psychédéliques, Djendel (Ain Defla), serait le nouveau fief du tabac à priser (chemma) de fabrication artisanale. Même si les temps sont durs parfois, on se saigne (sans jeu de mots) pour satisfaire à ses envies incompressibles. La table généralement dressée pour les convives, sera dressée tout le long de ce mois, pour soi et les siens. On semble prendre une revanche sur l’ordinaire. Les excentricités sont tolérées et même encouragées par le propre comportement du chef de famille. La rupture du jeûne, réussit la prouesse de réunir toute la maisonnée, même ceux d’entre elle qui ne jeûnent pas encore.

Le Ramadan, rompt les barrières du cloitre nocturne jusque là érigé en règle de conduite sociale. Les lampions festifs s’éteindront dès l’annonce, de la fin du jeune. En opposition au quotidien morose où, l’hibernation culturelle est devenue un trait de caractère national et les plaisirs de la table en ville du seul privilège des nantis, le citoyen moyen s’offre un mois de bonne chair, quitte à s’endetter jusqu’au cou ou mettre les bijoux de famille au clou.

Il lui restera, le régime à féculents, les œufs et le raib (lait caillé) pour tenir le reste de l’année. Le Salaire national minimum garanti de 15.000 Da, même multiplié par 4 ou 5, arrive à peine à couvrir les besoins nutritionnels de base. S’en rend-on compte au moins, en haut lieu ? Le teint frais et la bouche vermeille de certains orateurs faisant dans la béatitude, semblent contredire ce candide questionnement.

Agence postale, immensément vide au cinquième jour du Ramadan, d’une ville jadis propre, du Littoral algérois, Une dame très avancée dans l’âge s’approche de l’ancien fonctionnaire, présentement à la retraite, affairé à compter ses sous pour lui demander de remplir son chèque délavé.

« Ya oulidi (mon fils), on ne m’a pas encore versé les 100.000 de la pension…il me reste encore 10.000 (100 DA), je veux les retirer ». Que peut-on encore acquérir avec ce dérisoire pécule ? En sortant de l’agence, le vieux « cadre » administratif abasourdi par tant de déchéance matérielle, s’estimait heureux de pouvoir encore vivre à l’abri du besoin. Ali ben Abi Taleb, compagnon et gendre du Prophète, ne disait-il pas ? : « La pauvreté est proche de l’apostasie ! ». A quelques mètres plus loin, un autre spectacle était offert à la cantonade ; l’antenne communale était le théâtre d’une agitation fébrile et humiliante. On y distribuait le « couffin du Ramadan ». Le gardien de l’école, « payé » par l’indemnité pour activité d’intérêt général du dispositif du filet social (*) dont il est nul besoin d’évoquer le montant, de crainte d’être reconnu par le voisinage, se couvrait le visage de la main. Honteux de sa condition sociale; il attendait indolemment son tour, comme beaucoup de mères de familles. La somptueuse mairie, enguirlandée à profusion et protégée par une belle et haute barrière en fonte, à un jet de pierre, énigmatique comme un sphinx, semble à travers ses baies vitrées opaques, regarder au loin. D’ailleurs, cette collectivité semble aussi absente dans d’autres registres, notamment, urbains. L’approvisionnement en eau de certains quartiers, se fait depuis plusieurs jours par citernage. Le ramassage des ordures ménagères confié à la sous-traitance, est du seul discernement de l’adjudicataire dont le travail baclé, n’est presque jamais controlé. S’il est vrai que l’on ne peut endiguer l’insidieux dénuement et éviter la chute à tout le monde, il n’en demeure pas, cependant, que la dignité humaine n’a pas à être mise à mal par un quelconque pouvoir bureaucratique. Et, comme un malheur n’arrive jamais seul, l’assommoir était asséné le soir même par le JT du 20 h. Le ministre national de la Solidarité, en compagnie du patron du vénérable syndicat, prenait son « f’tour » au resto du « cœur » de la cantine de l’Agha. Interrogé par la journaliste, il disait être « said » par tant de solidarité en ce mois de piété. On pourrait comprendre, qu’en dehors de cette chronologie, les hères et les démunis, pourraient se nouer le tube digestif.

Cette séquence télévisuelle, renvoyait le vieux « cadre » administratif, à un épisode, aussi lamentable, vécu à la même occasion du Ramadhan. Son supérieur hiérarchique de l’époque (1975), l’instruisait pour faire inviter à son auguste table, les non voyants de cette séculaire cité du Sud où la solidarité est l’une des plus agissantes du pays. Le vœu ou plutôt l’ordre, fut promptement exécuté par le subalterne qui, pressentant le « piège », prit la décision de rompre le jeune parmi les siens. Qu’elle ne fût sa surprise au moment du 20 h, en voyant ces pauvres handicapés filmés à leur insu par une insolente caméra, ramenée d’une station régionale à quelques 200 kms du site de l’événement. Les malheureux convives, ne se doutant de rien, bien évidemment, souriaient d’aise pour être les hôtes de la résidence officielle. Ils remerciaient ainsi, le maitre de séant pour tant de condescendance. Dans leur académisme journalistique de pure forme dont nous ont habitués les commentateurs télévisuels, on désigne cela par : « El Iltifata Attayba ! ».

Ils sont, malheureusement, nombreux ces slogans qui se nourrissent de déchéance socio économique de larges franges de population laissées en rade par « El Infitah ». Un fait divers, publié par un quotidien national, nous apprend comme pour tourner encore le couteau dans la plaie, qu’un vieil homme de Bouguirat (Mostaganem), s’est présenté chez un chirurgien dentiste pour lui adapter une prothèse dentaire léguée par un parent défunt. Le cout d’un nouvel appareil, est hors de portée des édentés démunis économiquement. On parle, pourtant, de la couverture sociale du tout venant. Cette disposition même affirmée, est sans nul doute rendue virtuelle par son pénible parcours bureaucratique. N’a-t-on pas délivré des prises en charge finalement à de défunts postulants ? Le rédacteur de l’article qui a trouvé la demande du vieil homme « saugrenue », n’a pas manqué de rapporter la posture magnanime du praticien qui a « éconduit gentiment » le malheureux demandeur. Peut- on déjà éconduire quelqu’un gentiment ? Sous le sceau de libéralisme aussi sauvage qu’inhumain, cette féroce désocialisation n’arrête pas de livrer de pleines cohortes sociales, à des lendemains incertains.

(*)Un ministre de la République, en disait à l’époque de son institution :

« Cette indemnité qui n’est pas un salaire, évitera aux couches vulnérables de choir brutalement sur le béton de la libéralisation économique ». Depuis lors, les mailles du filet sont bien flasques.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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