Aussi vrai que parler de corde dans la mai son d’un pendu est comme crever un oeil à un borgne au pied bot; l’improbable histoire qui suit est tirée d’un génial fait divers à ne, surtout pas, ranger dans la rubrique des «chiens écrasés». Né à l’état vigil par malformation héritée de son arrière-trisaïeul,
Chalachou voulut réussir là où la gent des bipèdes a perdu tous ses chicots. Se rendant à l’immortelle évidence que l’homme, dans sa petitesse «adamique», est la meilleure créature jamais «pétrie» par l’homme, Chalachou décida d’éprouver une théorie jamais gambergée de mémoire humaine. La néo-théorie de Chalachou consistait à tester la capacité d’un homme, debout sur ses deux pieds, à jeûner pendant une semaine d’affilée en observant le comportement de son cerveau, puis la couleur de son visage, ensuite explorer son estomac et enfin regarder la forme de ses pieds. Dans une officine pas comme les autres, fourrée huit mètres sous terre pour ne pas être contaminée par la science infuse de la «race des deux pieds», Chalachou commença par examiner le cerveau du jeûneur. Dans la partie arrière de son ciboulot, Chalachou trouva une matière noirâtre, ressemblant un peu à une matière pâteuse en forme de pain de campagne. Interrogé sous hypnose, le cobaye confesse à Chalachou que toute sa vie a été de courir, le ventre vide, derrière un pain qu’il n’a jamais rattrapé. Parce qu’il était né par un jour sans pain, le cobaye chercha à expliquer à Chalachou le néo-théoricien, l’importance capitale d’un traître morceau de pain dans la conservation de la race des bipèdes, voués à vivre pour manger en attendant de mourir la bedaine en surpoids. Arrivé au visage, Chalachou remarque que son cobaye a deux yeux plus gros que le pif, les oreilles et la bouche ouverte aux quatre misères. D’une couleur ocre-pâle, le minois du cobaye affichait… une mine si fripée que Chalachou dut placer un croûton cramoisi dans sa bouche sans fond pour faire revenir quelques gouttes de sang frais à son regard de macchabée refroidi. Dans l’estomac du cobaye, Chalachou fera la découverte de sa vie : au milieu de ses boyaux entortillés, Chalachou trouva un bout de papier mâché, avalé par le cobaye à l’âge de la déraison. En recomposant à l’aide d’une loupe géante les hiéroglyphes transcris sur le papelard, Chalachou perça le mystère de sa vie. C’est qu’avant de clamser, le cobaye avait voulu léguer à la race des bipèdes un testament tapi dans son ventre. Il y était gribouillé à peu près ceci : «Comme le pain est né quarante jours avant l’arrivée sur terre du premier homme d’entre tous et comme la vie ne vaut pas une misérable chandelle d’être vécue qu’avec un pain dans la main et une torgnole dans l’autre main, sachez, peuple des bipèdes que si vivre est un devoir, quand vous l’auriez bâclée (la vie), que vos linceuls au moins vous servent de mystère». A la mort abjecte du cobaye sacrifié, Chalachou découvrit qu’il avait les pieds trop plats à force d’avoir trop maraudé sur les toits…
19 août 2010
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