Contribution
Il faut débattre sans tabous, sans injures et sans soupçons (2e partie)
Par Yacine Téguia*
Le procès de Boussouf et de Boumediène
Dans un ouvrage intitulé Les intellectuels contre la gauche, l’historien Michael Christofferson analyse la genèse de l’idéologie antitotalitaire en France entre 1973 et 1981. Il explique comment ce discours antitotalitaire
a ouvert la voie au libéralisme qui allait bientôt dominer, alors même que la gauche était en passe d’arriver au pouvoir.
Il souligne comment la relecture de la Révolution française a été essentielle dans cette histoire, et que l’historien François Furet y a joué un rôle capital. En effet, l’auteur de Penser la Révolution française soutenait que la culture jacobine expliquait la tentation communiste en France au XXe siècle. Capitale de la gauche européenne après 1945, Paris devenait la capitale de la réaction européenne, comme Alger capitale des révolutionnaires semblerait condamnée à devenir la capitale du reniement néolibéral. Cela passe par un procès, non seulement des pratiques condamnables du pouvoir mais aussi de toute opposition constructive et surtout de l’orientation patriotique portée par Boumediène et qu’il n’est pas impossible que Sadi pense retrouver, ou pense nous faire retrouver, dans l’inflexion que connaît la politique économique de Bouteflika depuis la loi de finances complémentaire de 2009. Mais si Bouteflika et Boumediène partagent le populisme, ce dernier est cependant passé de gauche à droite, car si en 1974 on nationalisait le pétrole, en 2010 on place l’argent du pétrole en bons du trésor… américain. Le discours sur le patriotisme économique ne doit donc pas faire illusion. Mais c’est là qu’il faut, certainement, chercher l’explication du revirement d’Omar Ramdane, officier de la Wilaya IV, dans l’appréciation des orientations économiques de Bouteflika, dont le FCE, à la tête duquel il se trouvait, avait pourtant soutenu la candidature à un troisième mandat. Et c’est donc naturellement, même si c’est aussi avec prudence, qu’il interviendra dans la polémique historique pour évoquer la réunion des colonels de décembre 1958 et sembler, dans un vieux débat, prendre parti pour l’intérieur contre l’extérieur en disant : «Les décisions qu’ils ont prises lors de leur conclave ne sont pas connues dans leur totalité. Ont-ils convenu d’instaurer une coordination, une sorte de commandement unique, assumé à tour de rôle par chacun des colonels ? Ont-ils décidé de dépêcher le colonel Amirouche à Tunis pour porter à la connaissance de la direction nationale la réalité de la situation qui prévalait à l’intérieur ? Nous ne le savons pas.» Si une contribution de Salim Sadi vient de poser des limites à la critique de l’armée des frontières et relativiser le conflit intérieur/extérieur, le livre de Sadi suppose, pourtant, venu le temps de répondre aux questions soulevées, le temps du jugement. Une nouvelle génération d’hommes politiques arrive chargée d’instruire le procès. Elle demande des comptes sur le passé, au moment où les 286 milliards de dollars du plan 2010/2014 sont sur la table. Pour justifier sa démarche, Sadi écrit : «En Wilaya IV, M’hamed Bouguerra, Si Salah exhortaient les commandants au cas où ils viendraient à disparaître, de ne jamais oublier de mettre en place à l’indépendance un tribunal militaire pour juger Boussouf et Boumediène.» Peutêtre même s’est-il senti encouragé par les propos du dernier chef de cette wilaya qui demande aujourd’hui un débat télévisé ? Mais l’historien a-t-il le droit de juger les acteurs historiques puisque l’histoire s’occupe de ce qui a été et non de ce qui aurait dû être ? On se rappelle comment les Français, en 1989, ont acquitté Louis XVI à l’issue d’un procès télévisé. Deux siècles après la Révolution française, les menaces qui pesaient sur la République n’étant plus là, il était facile de se montrer clément. A rebours, mais en dehors de tout contexte aussi, on peut condamner Amirouche pour crime de guerre comme le suggère Benachenhou et vouer Boussouf et Boumediène aux gémonies comme le fait Sadi. En vérité, ce dernier n’est pas le premier à apostropher un passé tenu pour criminel, soupçonné d’être un mal héréditaire et transmissible. Sur internet, Saâd Lounès n’arrête pas de se livrer à la critique de ceux qu’il appelle les marocains du clan d’Oujda. Méprisant, Addi Lahouari parlait des «Boussouf boys» quand le premier responsable du RCD évoque «la chouannerie boussofo- boumediéniste». D’autres ont fait la critique de l’EMG, sans avoir recours à l’insulte. En janvier 2010, à l’occasion d’une commémoration du cinquantenaire de la création de l’état-major général, le commandant Azzedine a rappelé que celui-ci avait voté contre les accords d’Evian. Durant son exposé, il est apparu que la logique du pouvoir a enjoint à l’EMG de s’opposer au GPRA qui était favorable à ces accords. Ainsi, la parution du livre de Sadi n’a rien d’une révélation ouvrant les yeux d’une élite jusqu’alors aveugle à la nature autoritaire du pouvoir, mais permet de se saisir de la dénonciation de l’autoritarisme et de la métaphore de la trahison comme d’une arme de combat politique dans le contexte d’une montée du rejet de la légitimité historique qu’illustre, paradoxalement, l’affaire des magistrats faussaires. En effet, le manque de réaction qu’a suscité la condamnation de Mellouk suggère que les Algériens n’acceptent plus que qui que ce soit instrumentalise le statut de moudjahid pour obtenir des privilèges et que — de ce point de vue — il n’est donc plus nécessaire de faire la distinction entre vrais et faux moudjahidine. Cependant, il est utile de souligner qu’il existe une différence entre la position qui consiste à critiquer la légitimité historique, en tentant de sauver une partie de l’héritage patriotique, et la position de Sadi qui considère qu’il y a eu trahison et que Boumediène et Boussouf sont uniquement des assassins et des putschistes. Dans le premier cas, Boussouf et Boumediène, comme tous les véritables moudjahidine, appartiennent à la famille révolutionnaire, par conséquent leur œuvre peut être dépassée en même temps que cette dernière; dans le second cas, Boussouf et Boumediène deviennent des traîtres, comme d’autres sont de faux moudjahidine, et leurs actions sont comprises en dehors de tout aspect historique. Comme il paraît sur-dimensionner le rôle d’Amirouche, Sadi ne pouvait pas manquer d’exagérer celui de Boussouf et de Boumediène et rendre ces derniers responsables, voire coupables de la mort d’Amirouche. Ce que Sadi ne comprend pas, c’est que si l’histoire n’est pas le chaos, elle n’est pas non plus une intrigue. Pas plus que l’action politique ne peut se réduire à une lutte des clans et des révolutions de palais. Pour Sadi, la mort d’Amirouche n’est plus le produit des circonstances, celles de la guerre de libération, mais de l’idéologie d’un groupe qui déterminerait la manière dont ce dernier menait cette guerre et les objectifs qu’il s’était fixés à l’indépendance. Dans sa conception, seuls quelques chefs décidaient de tout, la société n’aurait pratiquement rien fait dans cette guerre de libération. Pas même crié, à l’indépendance : 7 ans ça suffit ! Ni n’aurait tenté de résister en 1963 ou organisé une opposition au coup d’Etat de 1965. Sans parler de toutes les luttes depuis la mort de Boumediène. Elle se serait soumise à un clan sans broncher. Dans sa démarche, Sadi privilégie une interprétation où «la valeur des hommes, autant dire leur subjectivité règne absolument». L’histoire perd toute complexité, il refuse de «saisir l’intrication des faits politiques, sociaux, économiques, juridiques, moraux, psychiques» à l’œuvre durant la lutte de Libération nationale. Le biographe ne voit pas combien la violence et le cynisme de certains dirigeants de la guerre de libération étaient organiquement liés au cynisme et à la violence du colonialisme. C’est pourquoi il ne se demande pas si les projets d’Amirouche auraient été sans danger pour la conduite de la guerre de libération ou sur l’évolution de notre pays à l’indépendance. Pourtant, Sadi rapporte que, face aux défaitistes, Amirouche lui-même disait «nous prenons tous des risques. Le seul risque qu’il ne faut pas prendre est de mettre en danger le combat libérateur». Jusqu’où serait-il allé pour ne pas prendre de risque ? Alors qu’un ancien du MALG déclare à Sadi, «Amirouche nous embêtait, on s’en est débarrassé», est-il défendu de penser qu’Amirouche ne s’interdisait pas non plus ce genre de procédés ? Les épurations en Wilaya III, quelle que soit leur ampleur, sont, quand même, un premier élément de réponse suffisamment éloquent. Et, dans le prolongement de cette réflexion, on peut même s’interroger jusqu’à quel point les conditions de la lutte antiterroriste n’ont pas largement déterminé le résultat politique qui en est sorti. La violence et le cynisme de l’islamisme, mais parfois, aussi, de certains acteurs dans le camp démocratique, n’ont-ils pas conforté le pouvoir dans une démarche despotique et opaque ? Des erreurs, des fautes, voire même des choses plus graves, ne lui permettent-elles pas de continuer à manœuvrer ? La thèse de Sadi selon laquelle Amirouche aurait été victime de sa volonté de remettre en cause les pouvoirs des dirigeants de l’armée des frontières et du GPRA, qui n’est pas insoutenable, ni même dénuée de vraisemblance, sans être plus crédible qu’une autre, n’est finalement étayée que par un faisceau de présomptions. Le livre de Sadi amène à s’interroger : n’est-il pas plus intéressant de s’intéresser à la signification historique des actes de Boussouf et Boumediène ou d’Amirouche plutôt qu’à leurs motifs ? Autrement dit, ne devraiton pas voir en chacun d’eux, même en retenant l’hypothèse de Sadi, ce que Pouchkine — parlant de Napoléon — appelait «le fatal exécuteur des volontés obscures » de l’histoire. En l’occurrence, au moment où l’unité du mouvement national, à l’intérieur et à l’extérieur, entre l’intérieur et l’extérieur, était plus que jamais nécessaire face au colonisateur, chacun n’était-il pas convaincu qu’il devait la réaliser contre les autres ? Peu importait alors qui de l’intérieur ou de l’extérieur aurait la primauté ! N’est-ce pas cela qu’Hegel appelait une «ruse de la raison», qui veut que le sens de l’histoire se déroule en dépit des intérêts et des passions des hommes qui la font ? Il semble, pourtant, que dans l’atmosphère délétère du «tous pourris» où baigne actuellement la politique algérienne, rien n’est meilleur marché que l’honneur des hommes, surtout morts. Mais, la dénonciation de Sadi n’aurait pu être aussi brutale si la distance entre le culte institutionnel prétendument orchestré autour de Boussouf et de Boumediène — présentés comme les pères vénérés du système — et le culte pratiqué ne l’avait pas rendue possible. En fait, si Boumediène peut disparaître, c’est bien parce qu’il est devenu le synonyme de quelque chose de rejeté, ou pour le moins abandonné, à la fois par les tenants du système comme Ali Kafi ou Bouteflika et par des démocrates comme Sadi qui se retrouvent paradoxalement liés non par le passé, sur lequel ils ont des désaccords, mais par le présent. Eux aussi sont de fatals exécuteurs des volontés de l’histoire, chargés d’assurer les tâches de la transition historique, parfois contre leur gré, parfois en assumant un pouvoir de fait. Car l’histoire prend le chemin qu’elle peut. Certes, il n’est pas trop tard, ni inutile, de «repérer les signes de gestation du régime à venir à l’indépendance », mais faut-il encore en saisir les traits essentiels. Il faut s’interroger, du point de vue historique, est-ce le caractère autoritaire du régime ou sa farouche volonté de souveraineté qui est primordial ? De ce point de vue, on peut penser que si Boumediène a commis des erreurs, celles-ci sont secondaires, y compris aux yeux de certaines de ses victimes (Boudiaf arrêta même la politique à la mort de celui-ci, en découvrant l’émotion populaire suscitée par sa disparition). Ces erreurs font partie du patrimoine de la première tentative de construire un Etat indépendant, elles n’ont qu’une importance minime comparé au reste, qui est un jalon essentiel dans la marche de la société algérienne pour s’émanciper et se développer. C’est pourquoi la société retient d’abord de Boumediène son caractère égalitaire. Mais Sadi refuse, surtout, de prendre en compte les différences et les contradictions qui permettraient de repérer les rythmes et les cassures de l’histoire. Il préfère en lisser le cours et en dérouler l’enchaînement comme si tout procédait d’un péché originel, à savoir la trahison d’Amirouche. En nous livrant une chronique des antécédents coupables du pouvoir, Sadi essaie de nous convaincre que l’histoire a défini de manière mécanique la nature de l’Etat algérien. Et, alors qu’il voit dans l’opposition intérieur/extérieur et dans une trahison supposée d’Amirouche, l’origine de la prise de pouvoir par Boumediène, Lahouari Addi, dans un texte intitulé Misère de l’intellectualisme, écrivait quant à lui : «J’ai reconstitué, comme dans un puzzle, les différents éléments de la vie officielle de l’Etat pour découvrir une logique interne à ce pouvoir d’Etat : il est marqué par une structure double qui prend son origine dans l’histoire du mouvement national. L’opposition entre l’OS et le MTLD officiel est reproduite par l’antagonisme entre l’état-major de l’ALN et le GPRA. Ils préfigurent le coup d’Etat du 19 juin 1965, la désignation de Chadli Bendjedid par la Sécurité militaire en décembre 1978, le départ de celui-ci sous la pression de 180 officiers supérieurs qui ont signé une pétition dans ce sens, la démission de Liamine Zeroual qui avait refusé l’opacité des accords entre le DRS et l’AIS en été 1997, et enfin la faiblesse de Bouteflika qui disait en personne qu’il ne voulait pas être un trois quarts de président.» Sadi semble tomber dans la même espèce de déterminisme. Il imagine et laisse imaginer que la démocratie aurait été un fruit naturel de l’indépendance, si Boussouf et Boumediène n’avaient pas confisqué la lutte contre le colonialisme. En vérité ni ce dernier, ni le pouvoir de Boumediène ne représentaient les seuls obstacles à l’édification d’un Etat démocratique, alors que c’est tout l’héritage historique de sous-développement de la société – comprises les conséquences du colonialisme et du système rentier, qui constituent des causes de blocage jusqu’à aujourd’hui. Et c’est l’apparition de l’islamisme (produit contradictoire de la lutte de libération et expression paroxystique de la rente), dont Sadi prend soin de ne pratiquement pas parler, sauf pour en blanchir Amirouche, qui en s’opposant à un devenir démocratique, nous a fait saisir que la démocratie allait être une nouvelle conquête, après celle de l’indépendance. C’est pourquoi, on peut considérer que Sadi verse dans l’anachronisme, en projetant la critique légitime du FLN d’aujourd’hui sur celui du 1er Novembre, pour évoquer «le conservatisme du FLN» alors qu’il parle de l’organisation qui menait une ardente guerre révolutionnaire! Il confond ce qui était avec ce qui est devenu, pour justifier ses conclusions. Si on ne partage pas l’approche de Sadi, on peut toujours dépasser sa manière de flétrir les dirigeants du MALG et de l’EMG, manière indirecte de s’attaquer à leurs héritiers du DRS et de l’ANP. Quand il évoque «la pieuvre tchékiste de Boussouf», chacun pourra apprécier cette image tirée de l’arsenal de la propagande anti-soviétique. Mais, au-delà de la formule, ce qu’il faut retenir c’est que Sadi dénonce les accointances d’un pouvoir assurément liberticide, avec le régime soviétique dont il l’accuse de partager l’orientation bureaucratique étouffante, aussi bien au plan politique qu’économique. Bien que la Tunisie d’aujourd’hui n’ait rien à envier au despotisme du pouvoir algérien — comme d’ailleurs aucun pays décolonisé, quelle que soit son option après l’indépendance (à part l’Inde, mais à quel prix!) — Saïd Sadi ne cache pas qu’il estime Bourguiba, voyant en lui un visionnaire largement inspiré par les idéaux démocratiques. Non seulement celui-ci avait refusé d’adhérer à la Ligue arabe, comme Sadi le rappelle avec une sorte de jubilation, oubliant que Tunis accueillera plus tard son siège, mais surtout parce qu’il avait «une vision que l’histoire validera tout au moins sur certains aspects, notamment après l’effondrement du mur de Berlin». Dans cette logique, à la fois anti-arabe et anti-communiste, Sadi voit même dans Kennedy «l’un des soutiens les plus fidèles et les plus crédibles du peuple algérien pendant la guerre». Et, avec l’anecdote du Pasteur qui après avoir été relâché par le chef de la Wilaya III ira prêcher pour la libération de l’Algérie, on découvre un Amirouche devenu subitement pro-américain comme l’auteur de sa biographie. Le procédé peut paraître artificiel, mais surtout, force est de constater que l’Amérique de Sadi est réduite à l’Amérique libérale car des intellectuels américains de gauche, tel Noam Chomsky qu’on ne peut pas soupçonner de complaisance envers le régime soviétique, ne partagent pas son opinion sur le totalitarisme et estiment que c’était un concept de guerre froide instrumentalisé par le gouvernement américain. Quant aux options politiques, très contradictoires, des hommes du 1er Novembre, on peut aussi rappeler que Ben M’hidi écrivait dans les colonnes d’ El Moudjahid : «Le peuple algérien reprend une autrefois les armes pour chasser l’occupant impérialiste pour se donner comme forme de gouvernement une République démocratique et sociale, pour un système socialiste, comportant notamment des réformes agraires profondes et révolutionnaires, pour une vie morale et matérielle décente, pour la paix au Maghreb. Le peuple algérien est fermement décidé, compte tenu de ses déboires et ses expériences passées, à se débarrasser à jamais de tout culte de la personne.» Comme quoi, tous n’étaient pas forcément hostiles à l’option formellement adoptée à l’indépendance. D’une certaine manière, le livre de Sadi n’est pas sans évoquer le rapport Krouchtchev. En février 1956, alors que les journalistes ont quitté la salle du XXe Congrès, Nikita Krouchtchev, premier secrétaire du Parti communiste d’Union soviétique, livre aux délégués un discours dans lequel il dresse un bilan sévère de la politique de Staline. Le texte, qui devait rester confidentiel, est rendu public par le New York Times. Dépité, Aragon qui découvre ce rapport sublime ce moment difficile pour lui et écrit «ainsi donc l’histoire passe par cette ornière», un poème inédit du Roman inachevé. Dans Comment on écrit l’histoire, Paul Veyne rappelle que, suite au rapport, s’engage une polémique entre Krouchtchev et Togliatti. «L’homme d’Etat soviétique aurait bien arrêté l’explication des crimes de Staline sur la première liberté venue, celle du secrétaire général et sur le premier hasard qui le fit secrétaire général, mais Togliatti, en bon historien non-événementiel, rétorquait que pour que cette liberté et ce hasard aient pu être et faire des ravages, il fallait aussi que la société soviétique fût telle qu’elle pu engendrer et tolérer ce genre d’homme et de hasard.» Non seulement Krouchtchev n’aura pas le dernier mot dans sa polémique avec Togliatti, mais, en plus, Hannah Arendt finira par le considérer comme un «despote éclairé», lui qui avait pourtant dénoncé le culte de la personnalité. .Sans être aussi sévère avec Sadi, accusateur de Boumediène, on peut quand même relever que cette manière de faire, par la bande, la critique du système est révélatrice de l’ambiguïté de l’objectif. Peut-être que — tout comme Krouchtchev — Sadi veut le changement, mais pas le changement radical. Si Sadi ne veut plus du despotisme, il voudrait, on peut le craindre, accentuer l’orientation néolibérale de Bouteflika, accélérer le rythme de certaines réformes. Celles qui l’avaient amené dans un gouvernement qu’il a, peut-être, quitté, non seulement pour condamner la répression en Kabylie, mais aussi, parce qu’elles n’étaient pas assumées de manière assez résolue.
Y. T. (À suivre)
*Membre du Mouvement démocratique et social
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/08/11/article.php?sid=104411&cid=41
12 août 2010
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