Le Carrefour D’algérie
Mardi 10 Août 2010
Ce sont des métiers de femmes qui vont disparaître. Lesquels ? Ceux que nos mères avaient appris de leurs mères et que l’époque fast-food et la génération Chawarma vont pousser vers le territoire de l’oubli. Prenons un exemple : griller le Bouzzelouf, c’est-à-dire la tête et les pattes du mouton.
De moins en moins de femmes savent aujourd’hui le faire. D’autres répugnent à la corvée. Certaines jouent même au dégoût ou au cri des âmes sensibles. Dans certaines villes justement, le Bouzzelouf ne se mange plus car personne ne le cuisine ou ne sait le faire désormais. Et, curieusement, il s’agit de certaines grandes villes où le taux d’emploi de la femme est important et où les mœurs des repas ont immigré de la cuisine vers le sandwich depuis longtemps. Dans une décennie, la tête du mouton sera un fruit exotique, un souvenir ou un plat qui ne se mangera plus que dans certains restaurants spécialisés. Et dans deux décennies, la Douara aux épices affolantes, les abats en sauce profonde, les cervelles aux œufs et les Osbana farcies, ne seront plus que des exotismes d’autrefois. A peine des plats du jour dans les maisons. Tout juste des recettes « d’autrefois », à l’époque où la cuisine étaient aux femmes, avant le Windows, Internet et la chirurgie esthétique. La belle époque où on mangeait le mouton en entier et pas les hommes en morceaux. Faut-il garder prisonnières les femmes dans les cuisines ? Bien sûr que non ! Sauf qu’avec enfin, un peu plus de liberté, il faut se souvenir de ne pas perdre ce qui fait le propre de la cuisine algérienne et son patrimoine de saveurs et de recettes. Les Marocains et les Tunisiens nous ont déjà pris le tajine et le couscous, il ne nous reste alors que le Bouzzelouf à préserver comme monument. Sauvons-le de l’oubli. Même sur CD-Rom.
10 août 2010
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