Cela a commencé comme un épisode tragi-comique dans les appartements feutrés d’une des plus grandes fortunes françaises et ça vire sévère au scandale d’Etat.
Au départ, Françoise, craint que sa mère, Liliane Bettencourt, une vieille dame qui est la 1ère fortune de France et propriétaire du groupe L’Oréal, ne perde quelque peu la tête. Celle-ci s’est en effet entourée depuis la mort du patriarche de la famille, André Bettencourt, ancien ministre et multimilliardaire, de bien curieux personnages. Prenons le cas de François-Maris Banier, un écrivain, photographe, artiste échevelé et courtisan de profession, qui est devenu « l’ami » de Liliane Bettencourt. Gigolo n’est pas l’appellation exacte car quel gigolo dans l’histoire a réussi, en un tout petit nombre d’années, à toucher pour gages un milliard d’euros (!), en affichant de surcroît son homosexualité ? Symbole de cette générosité sans limite, Liliane a ainsi offert à son favori, l’île d’Arros, dans l’archipel des Seychelles. Pour faire bonne mesure, la vieille milliardaire a fait de son « favori », son légataire universel. En cas de décès de ce dernier, c’est « l’ami » de celui-ci qui devait recevoir sa fortune.
Tragi-comédie domestique chez les grands-grands-bourgeois et leurs amis
Un homme d’affaires, Patrice de Maistre, gère le patrimoine de la vieille dame, sa principale activité consistant à mettre l’essentiel de cette fortune hors des griffes du fisc français en plaçant des centaines de millions d’euros entre le Liechtenstein, la Suisse et autres paradis fiscaux. Pour prouver sa reconnaissance, Liliane, outre une rémunération très substantielle, offre à de Maistre un charmant petit yacht de 21 mètres de long. La brave femme ! De Maistre, prudent, engage la vieille milliardaire à ne pas parler de ce modeste présent à sa fille Françoise. Car Françoise qui a toujours été très proche de sa mère, s’inquiète. Elle a de plus en plus de mal à maintenir le contact avec sa mère, Banier et de Maistre organisant un véritable cordon sanitaire autour de la milliardaire âgée de 86 ans. Françoise, tenue à distance, craint une escroquerie et porte plainte devant la justice française pour « abus de faiblesse » sur la personne d’une femme très âgée et qui visiblement n’a plus toute sa tête. Eh oui ! Ça se passe comme ça dans les beaux quartiers de la capitale !
Et ce n»est pas tout, car, il y a les coulisses, à savoir, les dépendances, buanderies, cuisines où s’agite une très importante domesticité. Comme le dit l’adage, même un très grand homme n’a pas de secret pour son domestique. Et les très nombreux secrétaires, maîtres d’hôtel, gouvernantes, bonnes, femmes de chambre, chauffeurs qui servent jour et nuit Liliane Bettencourt, sont très divisés. Certains ont rejoint le camp Banier, d’autres dénoncent l’influence perverse et intéressé du photographe mondain, celui-ci ayant même réussi à chasser les médecins traditionnels de la vieille dame pour les remplacer par des toubibs amis.
Pascal Bonnefoy, qui fut le majordome d’André Bettencourt avant de devenir celui de Liliane, horrifié par les pratiques de l’entourage, place un magnétophone dans le bureau ou De Maistre, Banier et Mme Bettencourt tiennent de nombreuses réunions tournant pour l’essentiel sur l’argent à soutirer à la vieille milliardaire. Au résultat, il obtient 21 CD de conversations enregistrées entre mai 2009 et mai 2010. Le majordome visait-il lui-même se livrer à un fructueux chantage ? Pas du tout. Il veut dénoncer le scandale et livre bout par bout les extraits à la presse. Pour l’instant, cette histoire qui ferait passer le très long feuilleton Dallas pour une suite mièvre d’histoires à l’eau de rose, reste ce qu’elle est : une pitoyable et grotesque arnaque dans des splendides hôtels particuliers dont la victime est une pauvre, pauvre vieille femme très, très, très riche et qui n’a plus toute sa tête.
Au XIX° siècle, cette pantalonnade aurait inspiré une comédie sautillante à Labiche ou une fable grinçante à Octave Mirbeau. Mais le pire est à venir.
Après la révélation des enregistrements dans la presse, la plainte de Françoise Bettencourt, la Cour d’appel, après d’étonnantes hésitations et tergiversations, se décide enfin à nomme un juge d’instruction. Celle-ci, Isabelle Prevost-Deprez interroge des domestiques comme Dominique Gaspard, l’ex femme de chambre et Henriette Youpatchou qui lui confirment la dégradation de l’état de santé de leur ancienne patronne. Mais quand elle veut accéder aux 21 CD enregistrés, un procureur lui en interdit l’accès ! Ce même procureur veut mettre fin à la plainte de Françoise Bettencourt, invoquant des vices de forme. De même, ce haut magistrat ne semble aucunement s’émouvoir des très nombreux délits fiscaux que l’affaire à révélé. Ce comportement étrange du procureur Philippe Courroye surprend l’ensemble des observateurs, d’autant que, fait fâcheux, ce dernier ne fait pas mystère de sa très forte proximité avec Nicolas Sarkozy. Proximité tellement affichée que le corps des magistrats s’est opposé vivement à sa nomination comme Premier procureur de Paris.
L’affaire prend donc un détour politique. Répondant aux questions de la Brigade financière, Claire Thibout, l’ex-comptable privée du ménage Bettencourt, qui a noté scrupuleusement toutes ses opérations sur des petits carnets, confirme l’existence d’importantes sommes servant à financer les campagnes de l’UMP. Visiblement pour échapper à l’inquisition fiscale, les Bettencourt ont largement contribué aux campagnes présidentielles : on parle de 150 millions d’euros alors que la contribution versée à un parti par un particulier ne peut excéder 7500 euros.
Enfin, intervint« l’Etat neutre et impartial »
Plus grave, tant les enregistrements que les petits carnets de Claire Thibout mettent en cause un des plus importants ministres du gouvernement Sarkozy.Maire de la jolie et très cossue petite ville de Chantilly, capitale de l’hippisme français, Eric Woerth cumule par ailleurs deux responsabilités apparemment peu conciliables, il est le trésorier de l’UMP, celui qui sollicite les contributions des Français les plus fortunés et en même temps, il est ministre du Budget et donc responsable des enquêtes fiscales. Mieux, Eric Woerth avait demandé à Philippe de Maistre (auquel il a ensuite remis la Légion d’honneur) d’embaucher son épouse pour gérer la fortune de Liliane Bettencourt ! Que le monde est petit ! Choquée, la presse quasiment dans son ensemble, l’opposition et, mezzo voce, un grand nombre d’élus de droite ont évoqué l’évidence d’un « conflit d’intérêts ». Ils ont peut-être tort, il ne s’agit non pas d’un « conflits d’intérêts » mais bien au contraire d’une gestion scientifique et harmonieuse des intérêts privés des uns et des autres !
La situation est d’autant plus croquignolesque qu’en mars 2010, Eric Woerth quitte le ministère du Budget pour prendre la responsabilité du Ministère du Travail, avec immédiatement la mise en œuvre d’un très gros chantier : le dossier des retraites. Car l’affaire « Bettencourt-Woerth » a comme arrière-fond la très grave crise économico-financière qui a démarré en septembre 2008. Comme tous leurs homologues dans les vieux pays industriels, les salariés et contribuables français savent bien qu’ils devront payer la note des exubérances du grand capitalisme financier et des errements ruineux des banquiers et autres traders
La douloureuse se fait particulièrement sentir en France sur le système des retraites. Le poids de la démographie, le vieillissement de la population requièrent d’autant un allongement des cotisations que la conjoncture économique devrait rester mauvaise pendant plusieurs années : la crise financière a entrainé une forte contraction de l’activité et une aggravation des déficits budgétaires : les états ont du « sortir du cash » pour étancher les conneries bancaires et spéculatives.
Dés qu’il fut arrivé à son poste de grand réformateur des retraites, Eric Woerth, la mine sévère mais attristée, n’a eu de cesse que d’appeler la population laborieuse aux « sacrifices nécessaires » : il faudra nécessairement travailler plus longtemps pour des retraites plus petites !
Les classes populaires et, depuis deux décennies, les classes moyennes ont pris l’habitude de payer l’addition pour des erreurs qu’elles n’ont pas commises. Les nombreuses mesures d’austérité suscitent en général d’abord de l’agacement voire de la colère pour dans finir dans une lassitude résignée.
Mais le contexte actuel est tout autre : la politique dite de « rigueur » sera sans précédent et durera plusieurs années.
Dans un tel climat, les errements des grandes fortunes, (toujours protégées par le scandaleux « bouclier fiscal » qui les protège et qui restera certainement la seule promesse électorale tenue par le candidat Sarkozy), les compromissions révélées entre le monde des affaires, les fortunes privées et le niveau le plus élevé de l’appareil d’Etat, peuvent à tout moment faire surgir des crises de rage chez le Français moyen.
Même si la somme en question est macro-économiquement infime, les Français ébahis ont ainsi appris qu’un sous-ministre, un certain Blanc, s’était fait payer par l’état sa consommation annuelle et personnelle de cigares pour la modeste somme de 12 000 euros ! Grosso modo, un an de revenu d’un smicard.
Tous ces petites et grandes fautes morales au mieux, délits au pire, existaient évidement sous d’autres gouvernements : la plupart des énarques, cette nouvelle aristocratie française, combinent et alternent au cours de leur carrière, la gestion des affaires publiques suivie de nominations à des postes de direction dans des groupes industrielles et bancaires avec des émoluments munificents. Mais ce qui est toléré par la population en période de croissance l’est beaucoup moins dans les phases de récession. Ce que n’a toujours pas comprit notre président « bling-bling », pour qui la capacité d’un individu à acquérir une immense fortune reste à l’évidence la plus grande des vertus. C’est pour cette raison que Nicolas conserve, malgré les conseils de son propre camp, le « bouclier fiscal » qui irrite l’immense majorité des contribuables. C’est peut-être également pour cette raison qu’il maintient contre vents et marées à son poste dans le gouvernement, Eric Woerth, qui à l’évidence et en ce moment, est « politiquement mort ». Ce dernier aura en septembre, les plus grandes difficultés à convaincre les syndicats « des sacrifices nécessaires » après que les salariés aient appris ses nombreuses accointances avec les Français les plus fortunés. Mme Woerth qui a du démissionner de son poste de gestionnaire de la fortune des Bettencourt, a néanmoins réussi, la pôôvre, à trouver un petit job, un boulot d’attente : elle vient d’être nommée membre du conseil d’administration du groupe international du luxe, Hermès.
Tout ça, c’est la faute des Romanichels !
Là où beaucoup de chefs de gouvernements auraient tranché dans le vif et « démissionner » le ministre fautif, Nicolas Sarkozy a consacré un log moment de sa conférence de presse du 13 juillet à la défense de « l’honnête homme » Eric Woerth. On s’étonne dans Paris d’une telle mansuétude. Fallait-il maintenir Woerth même démonétisé pour sauver la réforme des retraites ? A moins que le fait que l’Elysée et même le nom du Président de la République soient cités par des témoins de l’affaire Bettencourt, ne soit pas un élément anodin. Les épisodes des prochains moins nous le diront.
Mais le toujours rebondissant Nicolas Sarkozy n’a pas dit son dernier mot. Au plus bas dans les sondages, il tente de rejouer à nouveau sa carte favorite, la sécurité. Il avait espéré que les Français oublieraient leurs ennuis et leurs critiques grâce au Mondial de foot. Hélas ! La pitoyable prestation de l’équipe de France a au contraire ravivé l’irritation les français. Il ne restait donc que la délinquance. Ah ! que ferait Nicolas sans les petits voyous de banlieue ? Le Président a donc alerté les juilletistes et les aoutiens des graves dangers que courre la France en matière de sécurité. Vols, agressions, les chiffres seraient catastrophiques (à noter les homicides baissent chaque année de façon importante mais, baste !). Bref, la France doit avoir peur ! La France a peur !
On a envie de rappeler que la politique sécuritaire de la France est, depuis huit ans, dirigée par N. Sarkozy, d’abord comme ministre de l’intérieur, puis comme président
Comme il fallait faire plus, à défaut de faire mieux, notre président a décidé cet été de cibler une catégorie particulière, le jeune voyou immigré ou d’origine étrangère. Après une campagne odieuse sur les Tziganes, Roms et « gens du voyage » (français ces derniers, rappelons-le), on promet la déchéance de la nationalité française aux délinquants français « d’origine étrangère » ! Mesure évidemment anti-constitionnelle et qui rappelle, comme l’épisode des (200) grandes fortunes, la période frelatée de l’entre-deux guerres.
Pauvre France ! Pauvre république !
13 août 2010 à 3 03 02 08028
Un sale été pour Sarkozy (2ème partie) : vilaines dérives sur l’immigration et la délinquance
par Pierre Morville
Pour faire oublier les impasses économiques, l’affaire Woerth, la chute dans les sondages, le Président ré-enfourche son cheval favori, la sécurité. Au risque de ne pas convaincre longtemps.
Joli coup, Nicolas ! Bien au-delà des découpes gauche-droite, beaucoup de républicains avaient été choquéls par ses dernières propositions démagogiques et réactionnaires, associant étroitement délinquance et immigration, Français d’origine étrangère et menaces sur la nationalité.
Hélas ! Hélas ! Un sondage opportun paru dans le Figaro montre que l’essentiel de Français applaudissent ces annonces iniques. Sur la possibilité de déchoir de leur nationalité des délinquants qui auraient acquis la précieuse carte d’identité, 70% des sondés y sont favorables comme 50% des électeurs de gauche. Et l’adhésion est encore plus forte lorsque le retrait de la nationalité française porte sur des cas d’excision ou de polygamie, avec 80% de réponses positives (60% à gauche). La fermeture des camps des romanichels ? 94% à droite et 60% à gauche approuvent !
Seule exception, le clivage droite-gauche se reconstitue sur la prison proposée pour des parents de délinquants récidivistes (35% favorables à gauche, 75% à droite). Un tel plébiscite de la « France qui a peur » permet au président de s’éloigner de ses ennuis actuels. Un temps.
La sécurité, la réponse toute faite qui marche toujours ?
C’est à voir. Ce succès démagogique de Sarkozy peut-il tourner victoire à la Pyrrhus ? Le triomphe claironné peut-il déboucher de sévères déconvenues ? Oui, pour trois raisons.
Si les résultats du sondage IFOP-Le Figaro ne rassure pas sur le niveau de civisme de mes concitoyens, il ne signifie pas pour autant que l’opération populiste liant honteusement sécurité et immigration fasse partie aujourd’hui des priorités des Français. L’ensemble des enquêtes des instituts de sondage des derniers mois indique bien au contraire que les questions sécuritaires ne font plus partie des préoccupations les plus urgentes. Dans le baromètre de la SOFRES sur les « préoccupations des Français » daté de juin 2010, la « sécurité des biens et des personnes apparaît au 10ème rang des soucis, loin derrière le chômage et l’emploi qui reste la principale préoccupation, à 74% dans le classement des urgences. Derrière, le financement des retraites poursuit sa progression entamée avec le lancement du débat sur la réforme du gouvernement, avec 58% des réponses les plus fréquentes. Viennent ensuite la santé et la qualité des soins, l’évolution du pouvoir d’achat, la qualité de l’enseignement, les inégalités sociales, l’environnement…
Malgré « l’effet-loupe » liée à une forte médiatisation gouvernementale, ce ne sont pas quelques annonces populaires mais totalement contraires à la tradition républicaine, qui détourneront l’inquiétude des Français sur ce qui les concerne le plus : la crise actuelle et ses conséquences sur eux-mêmes et leur famille.
On peut objecter que dans un contexte de crise sévère et durable, sans solution de sortie rapide, la xénophobie organisée peut justement, comme dans les années 1930, faire jouer à des communautés étrangères (les Juifs à l’époque) le rôle de bouc émissaire et de paravent à l’impuissance des politiques. On n’en est pas là.
Mais la tentation de l’exploitation politique des «faits divers» existe bien dans le clan Sarkozy. Est-ce un bon calcul ? En matière de sécurité, il a disposé depuis huit ans, de tous les moyens comme ministre de l’Intérieur puis comme Président. Chaque jour, le chef de l’état constate l’échec de sa politique, chaque jour, il s’en indigne (!), Chaque jour, il prend de nouvelles mesures plus répressives que celles de la veille. A chaque fois, les résultats sont loin d’être probants, malgré les discours d’autosatisfaction de sa majorité puissamment relayés dans les médias amis (TF1, le Groupe Hachette, le Figaro…
Deux longues années nous séparent de l’élection présidentielle qui reste à l’évidence la seule obsession du bon Nicolas. De nouvelles surenchères permanentes pourront apparaître à la longue comme un aveu d’échec à des électeurs lassés d’attendre des résultats concrets.
De même, l’agitation sécuritaire perpétuelle ne permettra pas de faire oublier aux Français, la réalité quotidienne de la crise économique. Gageons que les millions de personnes qui manifesteront le 7 septembre prochain sur les retraites, n’auront pas les Roms ou la polygamie comme 1er sujet d’intérêt.
Par ailleurs, les rapports de force politique évoluent et le système Sarkozy s’use. Persuadé jusqu’au bout de son assise présidentielle, le bondissant Nicolas avait été pris de court par le résultat des dernières élections régionales : la Gauche a été très nettement majoritaire et, fait nouveau, le Front National est ressorti de sa boite, dirigée par Marine Le Pen, fille de son père et très habile tacticienne. Reconquérir les franges les plus à droite de son électorat est donc devenue la principale obsession du Président. En enfourchant la rhétorique de la formation d’extrême droite, Nicolas Sarkozy courre un double risque : ne pas convaincre des électeurs ulcérés qui préféreront éventuellement « l’original (le FN) à la copie (Eric Besson) ».
2012 : une présidentielle à haut risque
Quant à imaginer une « ouverture » de la majorité gouvernementale à Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy y perdrait à coup sûr les centristes et ce qui reste de gaullistes à l’UMP.
D’autant que les sondages montrent également que des personnalités de «l’opposition de droite» marginalisées au départ par le rouleau-compresseur de l’UMP, parti présidentiel omniprésent à défaut d’être omnipotent, résistent et font leur trou.
Dans une récente enquête Ifop pour Sud-ouest dimanche, Dominique de Villepin (10%), François Bayrou (9%) étaient pour une fois testés dans une approche moins « traditionnelle » de l’offre politique. En tenant compte de ces candidats aujourd’hui méprisés par les états-majors des grandes formations, les leaders des partis de gouvernement, Martine Aubry et Nicolas Sarkozy, affichent chacun un modeste score de 26%. Marine Le Pen est crédité d’un 11%, un étiage équivalent à celui de la Gauche de la Gauche. Dans un tel scénario d’extrême dispersion des voix, il n’est pas inenvisageable qu’il arrive à Nicolas Sarkozy, une réédition du martyr infligé en 2002 à Lionel Jospin : sa brutale élimination à l’issue du 1er tour 2002, le second scrutin voyant s’affronter Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen ! Un second tour Martine Aubry/ Marine Le Pen donne des frissons à l’UMP. On en est loin mais l’arrière plan d’une longue crise économique, les inquiétudes multiples de Français, renforcées par les errements tacticiens de Nicolas Sarkozy font de la Présidentielle de 2012, une élection à hauts risques.
Rocard : «on n’avait pas vu ça depuis Vichy»
Le troisième risque que courre Nicolas Sarkozy concerne la dégradation de sa propre image. Plus largement, celle-ci peut écorner la représentation de la fonction présidentielle dans la démocratie française.
Nicolas Sarkozy a beaucoup de qualités : c’est un homme d’action, il n’hésite pas à bousculer les lignes traditionnelles de la vie politique française, il s’engage à 120% dans sa mission. Il a une haute idée de celle-ci et de sa propre personne. Il a très dignement représenté son pays sur la scène internationale.
Nicolas Sarkozy a beaucoup de défauts. A part son admiration de la réussite personnelle par l’argent, il ne semble avoir guère de convictions, sinon successives et contradictoires mais toujours affichées avec la plus grande… conviction. Il a tendance à confondre le service de l’État et le sien propre. Il semble ne se fier qu’à ses propres intuitions quand il ne s’agit pas de ses foucades.
Plus généralement, Nicolas Sarkozy ne laisse personne indifférent : c’est une personnalité propre à créer spontanément les plus vives sympathies ou à faire surgir d’emblée les rancœurs les plus tenaces. Il séduit facilement mais il déçoit beaucoup.
Ce portrait est certainement injuste, incomplet et subjectif mais à tout le moins, il faut bien admettre que Nicolas Sarkozy ne présente pas spontanément les qualités d’un rassembleur, d’un fédérateur, d’un « père de la Nation ».
Il n’est pas responsable de tout : secoué par une crise économique d’ampleur et d’origine nord-américaine, il a été pris à contrepied de ce fait, sur la quasi-totalité de ses promesses électorales. Mais il s’englue tout seul dans une défense forcenée des Français les plus riches, l’affaire Woerth étant le symbole même des rapports consanguins entre le haut appareil d’Etat et la bourgeoisie très, très fortunée.
Le plus grave n’est pas là. Plus que tous ses prédécesseurs de la V° République, il semble avoir oublié qu’il est, au moins sur le papier, le « Président de tous les Français ». Lui, fils d’immigré hongrois, marié à une citoyenne italienne, il n’a eu de cesse d’opposer les « immigrés-étrangers-vecteurs de violence » aux braves citoyens français. Il vient de franchir un pas de plus en opposant les Français « d’origine étrangère » aux autres. Les dernières prises de position présidentielles qu’il s’agisse de la traque des Romanichels, les menaces de perte de la nationalité française pour des citoyens français coupables de délits pour des peines à cinq ans de prison, l’embastillement de parents coupables des errements de leurs enfants mineurs, révèle ne logique folle et inefficace au mieux, au pire, perverse. A moins qu’il ne s’agisse d’un mauvais mélange des deux.
Le pire, c’est que l’exécutif sait pertinemment que les mesures proposées ne sont guère constitutionnelles et risquent fort d’être retoquées. Le constitutionnaliste Guy Carcassonne «doute» ainsi que la déchéance de la nationalité française pour des crimes de droit commun, soit légale au regard de la Constitution de la Ve République. «L’article 1 de la Constitution dit que la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion», observe-t-il. Alors pourquoi le Président de la République française, garant de la Constitution, s’amuse-t-il à de telles fantaisies contestables sur le plan juridique, citoyen et moral ?
La réponse a été donnée de façon abrupte par Michel Rocard. L’ancien Premier ministre socialiste est une figure à part. Père de la deuxième gauche, il a souvent été contesté dans son propre camp pour son « réalisme ». Il a un peu surpris en faisant quelques gestes d’ouverture à Nicolas Sarkozy, au lendemain de l’élection de celui-ci. Mais nul à droite comme à gauche n’a jamais suspecté son indépendance intellectuelle et morale. Ces considérants rendent encore plus acerbe son jugement récent sur Sarkozy dans un interview à Marianne. Extraits :
«MR – (…) je vous le dis comme je le pense, les intentions sont scandaleuses.
Marianne : – Vous dites que le président cherche la guerre civile, qu’il veut faire descendre les gens dans la rue…
M.R. : Je dis qu’il le paiera et qu’il l’aura mérité. (…)Je serai sec et sans bavure : c’est inadmissible. Mais le pire, c’est que ça ne marche pas. Il n’y a d’amélioration ni sur le plan de la sécurité ni sur celui de l’immigration (…) Quand on va chercher l’électorat du Front national, voilà sur quels scandales on débouche. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy, on n’avait pas vu ça depuis les nazis. Mettre la priorité sur la répression, c’est une politique de guerre civile. » «Politique de guerre civile». Bigre !
Nicolas mise sur l’incompétence de ses oppositions
Candidat à l’élection de 2007, Nicolas Sarkozy avait gagné par sa fougue, sa détermination. Son programme se réduisait à quelques thèmes forts et aisément simples. « Travailler plus pour gagner plus » : on en rit encore. La sécurité des Français garantie et renforcée. L’aveu d’échec est patent. Une certaine volonté « d’Union nationale » sur les grands sujets de transformation en France. L’ouverture fut une parodie et rarement, un Président français a recueilli à mi-mandat, une si piètre image dans les sondages. Certes, Nicolas Sarkozy peut redresser la barre mais il lui faudra renoncer à des habitudes de gouvernance qui aujourd’hui lui collent à la peau.
Certes, le candidat Sarkozy peut également tout miser sur les faiblesses de ses oppositions. Mais le pari est risqué.
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