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Le dilemme économique algérien

28 juillet 2010

Contributions

DECODAGES
Le dilemme économique algérien

Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
Les Algériens, il est vrai chacun dans son coin, désespèrent de voir leur économie être un jour dotée d’un projet cohérent, consistant et publiquement affiché à l’instar de ce qui se fait dans la plupart des Etats.


Ils sont un peu comme nos fans de foot qui attendent de voir un «projet de jeu» (comme ils disent) pour leur équipe nationale. La différence entre les deux situations c’est que pour le foot, toute l’Algérie en discute, souvent avec passion. Les Algériens se sentent ici en effet impliqués et de ce fait font corps avec leur équipe nationale tant dans les bons que dans les mauvais jours. Ils débattent et échangent leurs avis sur toutes les options possibles et ils n’ont pas attendu que ce droit leur soit octroyé. Et ils ont bien raison. Pour l’économie, ce n’est nullement pas le cas, non pas que l’économie algérienne n’intéresse pas les Algériens mais tout simplement parce qu’aucune occasion ne leur est offerte d’exprimer leurs points de vue, au moins pour les plus avertis d’entre eux et que, contrairement aux discussions sur le foot qu’on peut tenir dans la rue, les débats sur l’économie nécessitent un minimum d’organisation. Une telle situation est d’autant plus incompréhensible que ceux qui sont aux affaires sont tout à fait conscients du «danger qui nous guette» avec l’épuisement de nos réserves d’hydrocarbures. Rappelons-nous cette observation du président Bouteflika faite devant les cadres de la nation. «Je suis arrivé à la conclusion que notre génération ne sait pas utiliser productivement notre pétrole à développer notre pays. Il est préférable de laisser quelques ressources (d’hydrocarbures) aux générations futures.» Ou encore, à une autre occasion «pourrons-nous vivre en buvant notre pétrole et en mangeant notre gaz ?» Le Premier ministre pour sa part a, à plusieurs occasions, rappelé que «le pétrole n’est pas inépuisable, ni éternel…» Enfin et pour ne citer que ces responsables politiques, l’ex-ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur rappelait, lors d’un débat à l’école polytechnique d’El-Harrach et en présence de l’ex-ministre de l’Energie : «Il faut savoir que nous sommes déjà dans le peack-oil, c’est-à-dire ce moment où les réserves commencent à diminuer. L’épuisement a commencé.» Ajoutons que le conseil de régulation de l’électricité et du gaz vient de publier un rapport dans lequel il tire la sonnette d’alarme sur nos déficits prévisibles en gaz à l’horizon 2017 : si on continue la politique actuelle d’exportation de cette ressource, nous ne pourrons pas satisfaire nos propres besoins vers 2017/2018. Toutes ces remarques suscitent bien évidemment des questions cruciales qui tardent à être prise en charge par ceux là-mêmes qui signalent la gravité de la situation si rien n’est entrepris rapidement. Pourquoi, diable, l’économie algérienne n’arrive-t-elle toujours pas à entrer dans ce fameux «après-pétrole», à se diversifier et à participer activement, productivement à l’économie mondiale ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à construire une économie dynamique, productrice de richesses et d’emplois, une économie qui exploite son énorme potentiel pour rejoindre rapidement le groupe des économies émergeantes ? L’Algérie a bien sûr un problème d’institutions, c’est-à-dire de règles à respecter, de comportements à acquérir par les acteurs de l’économie, de valeurs à suivre. Il y a aussi un problème d’organisation du système économique et de choix clair à arrêter entre étatisme, économie de marché «libre et ouverte» ou économie mixte alliant Etat et marché selon le bon principe «autant d’Etat que nécessaire, autant de marché que possible». Il faut bien reconnaître que l’Algérie n’a pas encore décidé de l’option à suivre une fois pour toutes et que nous assistons tantôt à quelque ouverture, tantôt, au contraire, à un bonapartisme où l’Etat est omniprésent. Mais il y a surtout la question du régime de croissance à définir et à mettre en oeuvre. Poursuivre dans la voie actuelle faite de dépense publique abyssale d’investissements d’équipements financés par l’Etat, de redistribution et transferts sociaux n’est évidemment pas soutenable sur le moyen/long terme. Les ressources ne sont pas illimitées et il faudra bien allumer les autres moteurs de la croissance que sont l’investissement productif, la consommation (le marché intérieur) et les exportations (hors hydrocarbures).
Ce que devrait être notre nouveau régime de croissance
Une croissance économique robuste et durable ne peut se réaliser qu’en se fondant d’abord sur le marché intérieur. La crise économique mondiale actuelle nous le rappelle avec brutalité. Ceci ne signifie pas qu’il faut tourner le dos aux exportations mais celles-ci, pour se développer, supposent régler les contraintes de compétitivité qu’on ne peut dépasser que sur un délai assez long (la remarque est encore plus valable pour l’Algérie). Dans notre pays, un marché intérieur existe et s’est construit difficilement dans le sillage des efforts considérables d’investissements, notamment industriels, réalisés dans les années 70 (les deux plans quadriennaux notamment) et d’une salarisation massive de la force de travail. Il faut cependant souligner qu’aujourd’hui :
1/ Ce marché se réduit de plus en plus
2/ Ce marché est capté par les produits importés par manque de compétitivité de la production nationale et par les effets de la rente qui favorise plus l’importation que la production nationale (syndrome hollandais).
Il faut ajouter que ce rétrécissement du marché intérieur n’est pas compensé par quelque marché d’exportations puisque celles-ci sont insignifiantes.
Problème = comment reconstruire notre marché intérieur ?
Les choix économiques de ces deux dernières années s’inscrivent bien dans une tentative de réponse à cette question : encadrement des importations, mise en oeuvre de mesures d’une politique de préférence nationale, politique de redistribution et de transferts sociaux, politique d’emplois aidés favorable à la consommation. Le gouvernement semble avoir opté pour le protectionnisme, le patriotisme économique comme on dit aujourd’hui. On doit rappeler que la reconstruction du marché intérieur peut se faire par deux voies.
1/ En contexte d’ouverture économique, pour produire leurs effets, les aides de l’Etat n’ont de sens que si la bataille de la compétitivité est gagnée par nos entreprises pour que la production nationale puisse préserver ses parts de marché et en gagner de nouvelles face à la concurrence des importations. On voit bien que cette voie est pour l’instant impraticable pour notre pays tant notre retard dans les domaines de la performance et de la compétitivité est grand.
2/ La seconde voie est celle du protectionnisme et de la préférence nationale. C’est la voie dans laquelle semble s’engager le gouvernement : encadrement des importations, préférence nationale (favoriser les entreprises nationales dans la course aux marché publics), revalorisation salariale et transferts sociaux, monétarisation des emplois aidés…) Cette voie (protectionnisme et préférence nationale) ne peut pas constituer une politique d’avenir mais seulement une solution d’attente. Une telle voie, en contexte de mondialisation de la production et de l’économie bride l’efficacité de nos entreprises et étouffe la compétitivité de notre économie. De plus, investissements publics financés par l’Etat, redistribution et transferts sociaux supposent l’existence de ressources financières illimitées et pérennes. Ce qui, évidemment, est loin d’être le cas chez nous. Cette voie est donc insoutenable financièrement. On voit bien que le problème n’est pas simple : poursuivre dans l’ouverture sans compétitivité va produire d’énormes dégâts dans le tissu économie nationale. Revenir au protectionnisme à l’ère de «l’industrie naissante» va nous endormir (soporifique) et nous faire oublier que nos capacités de financement basées strictement sur les hydrocarbures sont limitées, et plus limitées qu’on ne le croit (épuisement des ressources d’une part mais surtout augmentation rapide de la demande nationale en hydrocarbures pour nos propres besoins) d’autre part. Aujourd’hui, plus qu’hier encore, il s’agit pour nos décideurs d’être très vigilants face au «piège de la rente pétrolière». Sans aller jusqu’à considérer nos hydrocarbures comme une malédiction, il faut rester vigilants quant au pouvoir soporifique du pétrole. Tout cela a été maintes fois dit et écrit y compris par le président de la République ou le Premier ministre. Aujourd’hui, il faut progresser dans le «comment faire».
Le nouveau régime de croissance pour l’Algérie.
Deux directions :
1) reconstruire le marché intérieur. Cinq séries de mesures sont à mettre en oeuvre.
a/- encadrer les importations en distinguant celles nécessaires au fonctionnement de l’outil de production et celles qui concurrencent cette production nationale
b/- stimuler la consommation en facilitant les crédits à la consommation des produits nationaux (si vous achetez national vous avez accès aux crédits de consommation)
c/- soutenir l’investissement privé national PME/PMI
d/- stimuler la politique de salarisation de la force de travail et poursuivre dans les programmes d’emplois aidés.
e/- poursuivre dans la politique redistribution et de transferts sociaux.
La seconde série de mesures doit aider à sortir sur les marchés extérieurs
La reconstruction du marché intérieur ne doit pas se faire au détriment d’une politique soutenue d’exportation hors hydrocarbures.
Celle-ci ne peut se concevoir sans une politique résolue d’attractivité (à l’opposé de la démarche actuelle vis-à-vis des IDE). Pour devenir exportatrice, notre économie doit :
a/- attirer de plus en plus d’investissements directs étrangers (IDE)
b/- développer une stratégie de partenariat externe privé national — privé étranger, public national — privé étranger.
c/- développer des programmes de réalisation de joint-venture avec des champions régionaux et mondiaux.
Si on pouvait être bref dans un domaine où la simplification est à éviter, on pourrait tenter de résumer le programme en deux séries d’actions :
1/- Revenir à l’industrialisation par substitution d’importation
2/- Préparer sérieusement l’économie à engager la dure bataille des exportations hors hydrocarbures.
La tâche n’est pas simple mais elle est réalisable et largement à notre portée.
A. B.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/07/28/article.php?sid=103678&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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