Edition du Dimanche 25 Juillet 2010
Ce retour sur Maurice se justifie pour deux raisons. La première est si agréablement surprenante qu’on la laisse pour la fin. La seconde trouve sa réponse dans les nombreuses réactions. À vrai dire, jamais portrait n’a suscité autant de e-mails et de SMS que celui de Maurice.
Réactions émues, réactions nostalgiques liées à cette période mauricienne, à cette ère de jeunesse et d’insouciance où l’on dansait sous la pluie sur l’air de Graeme Allwright : “Le temps est loin de nos vingt ans…”, car voilà le secret : en évoquant Maurice, c’est de notre jeunesse disparue à jamais qu’on parle. On se revoit tel qu’on était dans la couleur sépia de la nostalgie : mince, les muscles d’airain et le cœur léger devant cet horizon prometteur qui s’ouvre à nous. Oui, nous nous sommes tant aimés… Ainsi, de Kaboul, oui Kaboul, Hadj raconte cette anecdote : “J’avais consommé avec un ami des boissons au Cercle. Mais je n’avais pas d’argent. Je le dis à Maurice. Il s’énerve ? Non. Il nous fixe dans les yeux, tourne les talons et revient avec deux verres d’eau !” Quand je pense à Maurice, je suis remué. Quant à Dahmane, un ancien de la fac des années Maurice, il confie sa nostalgie de cette période où “il suffisait de peu pour être heureux”. Puis, égrène ses souvenirs sous forme d’une savoureuse anecdote : “J’étais à la terrasse du Cercle des étudiants avec un camarade de classe congolais. Je commande un café noir et mon camarade un crème. Maurice lança alors à haute voix : ‘Un blanc pour un Noir et un noir pour un Blanc !’ Toute la terrasse éclata de rire ! Y compris sans doute le Congolais.” Maurice était irrésistible. Non, il n’était pas raciste, Maurice. Sa patrie était l’humour. Et pour un bon mot, il était prêt à sacrifier son salaire. Faute de citer tous les témoignages — une pleine page ne suffirait pas — j’en viens à l’agréable surprise. Oui, belle et surprenante nouvelle sous forme d’un émail de la part de Mme Laoubi. Lisons-le ensemble : “Je vous informe que Maurice est toujours en vie, toujours bon vivant. Il est parti en pèlerinage à La Mecque, il est revenu Hadj. Son vrai nom est Abdelmohiz. Signé : la femme de Maurice.” J’ai cru à un canular. Trop beau pour être vrai. Reprenons à zéro. En 2004, invité dans une émission radio en direct, j’ai évoqué Maurice que je croyais vivant. De nombreux témoignages d’auditeurs ont affirmé le contraire. Certains ont même assisté à son enterrement ! À la suite de cette nouvelle, j’ai eu un serrement au cœur et une pieuse pensée pour Maurice l’enchanteur. Et voilà que Mme Laoubi affirme qu’il est toujours vivant ! Pour en avoir le cœur net, je lui demande si elle pourrait me permettre de revoir Hadj Maurice ! À moitié incrédule, je reçois un autre e-mail de Rachid O. qui me précise qu’il est le beau-frère de Maurice et me donne l’adresse de son domicile au cas où. Rachid ajoute : “Les vrais hommes laissent toujours leurs traces.” Je m’endormis en pensant à Maurice. À l’heure du café, je reçois un autre e-mail de Mme Laoubi me souhaitant la bienvenue chez eux avec en sus le téléphone de Maurice. Je laisse passer quelques heures et j’appelle. Une voix fine reconnaissable entre mille, la voix de Maurice, ce cher disparu et retrouvé, ce cher ressuscité d’entre les morts me répond et me raconte son éclipse. Après avoir commencé au Cercle juste après l’Indépendance en côtoyant Ben Bella, qu’il servira avec moult acrobaties, il quittera, en 1980, définitivement le Cercle pour la Sonacome où il finira retraité. Nous laissant orphelins de son souvenir. Ému, j’entendais Maurice me dire dans un rire : “Quand je me regarde dans une glace, je me tire le chapeau !” Impossible de s’y tromper, hadj ou non, il n’a pas changé, c’est bien notre homme : Maurice. Donc tout n’est pas perdu puisque Maurice est encore là. Mais notre jeunesse n’est plus. Vraiment plus ? Si, elle survit à travers Maurice dépositaire de l’élixir de jouvence pour les quinquas, sexas et plus si affinités avec le Cercle des étudiants disparus.
H. G.
25 juillet 2010
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