« La Cour a conclu [ ] que l’adoption de la Déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’a violé ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel».
Le Japonais Hisashi Owada, président de la CIJ, a eu le privilège discutable de donner lecture, jeudi, de l’avis consultatif selon lequel la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo était conforme aux normes du droit international.
Les éminents juristes de La Haye ont donc considéré que la disposition de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, qui stipule l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, la Serbie actuelle, était parfaitement respectée.
Il s’agit là, au-delà de l’insulte à l’intelligence, de contorsions sémantiques qui feront sans doute les délices de générations de juristes. Les magistrats de la CIJ ont rendu un avis conforme aux objectifs des Etats-Unis et de leurs alliés.
En faisant la démonstration qu’une justice aux ordres n’est pas le monopole des dictatures du tiers-monde, la CIJ souligne un paradoxe de plus en plus flagrant et de moins en moins accepté : les Occidentaux défendent la démocratie à l’intérieur de leurs territoires et la refusent dans les relations internationales. La force s’abritant en l’occurrence derrière une justice formelle. En ce sens, l’avis de la CIJ n’aura surpris que ceux qui croyaient en l’autonomie absolue de cette institution. L’indépendance de la CIJ existe tant qu’elle n’affecte pas les intérêts impériaux. Ce cénacle d’experts n’est pas indemne des influences. Comme l’ensemble des instances internationales, la CIJ est le champ d’expression d’un rapport de forces.
La Cour internationale a donc dit un droit à géométrie variable fondé sur des principes fluctuants et des interprétations très particulières, qui prêteraient à sourire si les conséquences n’étaient aussi graves. Et cela, que l’on soit ou non un ami du régime serbe.
L’avis consultatif lu par le juge Owada fera date et constitue déjà une référence. En précisant à la fin de son pénible exercice que cet avis ne constituait pas un précédent, l’illustre juriste nippon a enfoncé le clou.
Les forces politiques qui luttent à travers le monde pour le séparatisme et le sécessionnisme observeront-elles l’injonction du président de la CIJ ? On peut légitimement en douter. Pourquoi ce qui serait valable pour le Kosovo ne le serait-il pas pour des régions à la personnalité ethnico-culturelle au moins aussi affirmée que le caractère albanais du Kosovo ? Les exemples surabondent. Et pourquoi certaines puissances désireuses d’affaiblir tel ou tel pays se priveraient-elles de l’argumentaire développé par les juges de La Haye ?
Le coup de massue asséné par la Cour internationale à la notion fondamentale d’intégrité territoriale affirmée par une résolution du Conseil de sécurité pave la voie à toutes les manipulations politico-stratégiques. En entérinant l’amputation d’une partie du territoire serbe, la CIJ confère une douteuse onction juridique à la violation d’un principe essentiel du droit international. Selon les intérêts des puissances, l’intégrité territoriale et l’intangibilité des frontières peuvent donc être remises en cause.
L’évidente soumission de cette instance suprême du droit conforte la suspicion de partialité et dinstrumentalisation d’une justice internationale dictée par les maîtres de l’heure. Derrière le montage juridique, l’évidence pascalienne s’impose : la force sans la justice n’est que tyrannie. La jurisprudence Owada est lourde d’implications
24 juillet 2010
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