L’histoire est aussi vieille que le temps : racontée la nuit pour éviter aux enfants de naître chauves, l’histoire dévoile la nouvelle science (infuse) découverte par un maire qui l’appela lui-même la théorie du triple mandat. Mettant à l’épreuve sa géniale théorie, le maire, sorti enturbanné du ventre de sa mère, passera son premier mandat à la tête de la commune de Sidi Balak à se remplir les poches à tire-larigot, cachant l’oseille à l’intérieur de son ventre, dans les parois de son estomac, par devant son pantalon, par derrière sa gandoura. De la thune malodorante, il en mettra même dans les tirelires grandeur nature de ses enfants, dans ses savates, sur le toit, dans la cave, à l’intérieur de la buanderie et même dans l’écurie où il élevait des animaux bipèdes.
Devenu le premier satrape du douar, le maire «empoché» mettra tous ses sujets dans sa grande poche sans fonds. Ainsi, le premier mandat fut entièrement consacré à moi et à ma petite famille écrira-t-il pour la postérité dans son journal intime, caché sous son oreiller en osier. A son deuxième mandat, le maire de Sidi Balak fut pris d’un élan philanthropique si irrépressible qu’il distribua généreusement du blé sonnant et trébuchant aux nombreux membres de sa grande famille. Du plus petit jusqu’au plus vieux, la grande famille du maire devint si riche qu’elle fut élevée au rang de Chourafas de tout le douar, avec l’empreinte de l’ange Gabriel sur le front. Des postes d’emploi, des villas, des terres les plus généreuses, des voitures cossues, la grande famille du maire de Sidi Balak ne manqua de rien, jusqu’au jour où le maire fut prié de se présenter à un troisième mandat. Ainsi, le deuxième mandat fut entièrement consacré à ma grande famille écrira le maire dans son journal intime toujours caché sous son oreiller en osier.
A son troisième mandat, le maire de Sidi Balak convoqua les grands du douar pour leur annoncer avec pompe et fracas le programme qu’il compte mettre en œuvre au service
exclusif de ses chers concitoyens du douar. Il eut un discours correspondant à une syllabe près à ceci : «Mes chers concitoyens, après avoir cravaché dur au service de ma petite famille, puis me trouer les poches pour verser par pelletées entières dans les poches engrossées de ma grande famille, j’ai décidé de consacrer le restant de ma carrière semi-publique à mes compatriotes du douar oublié des hommes haut juchés. Ainsi, j’ai découvert que la propension de tout humain à se servir avant de servir son prochain est finalement un gène mutant avec lequel naît la race (en voie d’inquiétante prolifération) des autoserveurs. Apprenez, donc, à croire que nul ne peut servir ses convives si la table étalée à ses pieds ne suffit pas à rassasier sa propre appétence
»
21 juillet 2010
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