Les avis de la Cour internationale de justice ne sont pas contraignants pour les Etats, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne servent à rien. En donnant un avis sur la base du Droit international, l’avis de la CIJ sert ou dessert l’un des protagonistes d’un conflit. Autant dire que l’avis de la Cour internationale de justice sur la légalité de la proclamation de l’indépendance du Kosovo – sa publication est prévue jeudi – est attendu avec beaucoup d’attention.
Par les concernés, Serbes et Kosovars bien entendu, mais également par les puissances occidentales qui ont créé un état de fait à la légalité contestée. Jusqu’à présent, on n’a pas trouvé de juristes qui aient développé des arguments de droit pour justifier une indépendance qui va à l’encontre des principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats. La CIJ, si elle reste dans le domaine du droit, ne devrait pas déroger à la règle. A défaut, elle devrait faire un extraordinaire effort d’argumentation pour donner une légalité internationale à une décision politique qui, même en Occident, n’a pas fait l’unanimité.
En effet, si l’indépendance du Kosovo a été immédiatement reconnue par les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Italie, elle a été rejetée par six autres pays d’Europe occidentale comme Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie. Quant à la Russie, elle a reçu cette reconnaissance comme un affront et elle s’en est souvenue dans sa riposte, brutale, à l’aventure du géorgien Mikheïl Saakachvili. La proclamation de l’indépendance du Kosovo n’a pas été validée par le Conseil de sécurité et elle va à l’encontre de la résolution 1244 de l’ONU, qui mettait le Kosovo sous tutelle de l’ONU, tout en réaffirmant la souveraineté de la Serbie sur le territoire.
Cela signifie que quelques puissances occidentales qui ont pu par la suite obtenir des soutiens d’autres Etats pour atteindre aujourd’hui le nombre de 69 se sont octroyé le droit exorbitant de modifier les frontières d’un Etat et de l’amputer d’une partie de son territoire.
En Afrique, le précédent kosovar donne des sueurs froides. Transposé en Afrique, c’est le principe central et pacificateur malgré tout de l’intangibilité des frontières qui se trouve remis en cause. Le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la période coloniale était en effet la moins mauvaise des options. Elle le demeure car des Kosovo potentiels en Afrique : il n’en a pas manqué et ils n’en manquent pas. La réserve reste de mise, même si les Kosovars peuvent bénéficier de la sympathie face aux violences commises par les Serbes.
Et pour cause, le précédent que les puissances occidentales ont imposé est une mise en cause frontale du droit international. Il octroie aux plus puissants le pouvoir de «remodeler» et même de faire désintégrer des Etats. L’on sait que les puissances qui ont décidé de l’indépendance du Kosovo ne se soucient guère du droit. On saura jeudi s’ils ont aussi la capacité de faire dire aux juges de la CIJ que leur puissance fait le droit. La CIJ, elle aussi, joue sa réputation dans la balance.
21 juillet 2010
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