Entre situation de quasi-abandon, de détournement de vocation, voire de cession illégale (près de 12.000 «bénéficiaires» poursuivis en justice !), les terres agricoles relevant du domaine privé de l’Etat étaient menacées. Pour cette seule raison et sans présumer du fond, une remise en ordre s’imposait.
La dégradation de la situation, effet aussi des tergiversations publiques, a été telle que le passage au régime de la concession s’est pratiquement imposé. C’est que le droit de jouissance perpétuel accordé aux EAC et EAI ne représentait pas une base juridique suffisante aux yeux des banques qui refusaient de s’engager. Conséquence : des terres à haut potentiel périclitaient à vue par défaut d’investissement. Avec le régime des concessions qui peuvent être cédées et gagées, les banques ne devraient plus avoir d’objection à financer des investissements.
Le second objectif de la loi est de favoriser un redimensionnement des exploitations. Les experts constataient depuis longtemps que le morcellement trop poussé des terres est un obstacle à l’amélioration des rendements. Une plus grande concentration des exploitations est donc souhaitée, sachant que cela constituera un argument de plus pour inciter les banques à financer les investissements.
A priori, on est dans une situation «idéale» : l’Etat reste propriétaire des terres qu’il donne en concession pour 40 ans – c’est plus large que la Tunisie où la concession ne dépasse pas 25 ans – à des exploitants agricoles, lesquels peuvent l’utiliser pour obtenir un crédit hypothécaire. Ils peuvent aussi léguer leur droit à leurs enfants.
Le système fonctionne sur une double garantie. En restant la propriété de l’Etat, les terres concernées sont, normalement, prémunies d’un quelconque détournement de vocation. Or, et les cas de cession de droit de jouissance sur la côte ouest d’Alger qui ont fait scandale le démontrent, ces terres sont fortement convoitées à des fins non agricoles. La deuxième garantie est celle accordée aux exploitants actuels – ils auront 18 mois pour transformer l’actuel droit de jouissance en concession – et aux futurs concessionnaires.
Le souci du législateur est de répondre à une exigence, normale et légitime, des exploitants de voir les investissements qu’ils engagent protégés des aléas. La durée de la concession de 40 ans a fait débat, alors qu’elle n’est pas l’élément le plus important. Ce qui compte vraiment, alors que l’on est en train de faire entrer ce secteur agricole dans la logique du marché, est la capacité de l’Etat-propriétaire à assumer son rôle de régulateur.
La mise en état juridique de ce secteur est une condition préalable à la mobilisation des ressources qui permettraient la modernisation des exploitations et une amélioration des rendements. Le régime des concessions a largement fait ses preuves ailleurs ; il ne s’agit pas en l’occurrence de réinventer l’eau tiède.
Mais si la mise à niveau juridique est un prérequis, elle est loin de suffire pour dynamiser et élargir un secteur qui a été depuis l’indépendance l’objet de toutes les expérimentations. Le rôle de l’Etat dans la définition d’une politique du développement agricole et de l’administration chargée de sa mise en œuvre est au moins aussi important que la possibilité de mobiliser des investissements. La supervision du secteur ne se limite pas à empêcher le transfert illicite de terres nourricières en foncier spéculatif. L’encadrement positif des activités et le soutien aux agriculteurs sont au moins aussi importants.
20 juillet 2010
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