[Bouillon de culture] Commentaire sur : « Rêves prémonitoires, sentiments de tendresse, efforts désespérés Ricochets ou recueil de textes poétiques de Ameur Ammar »
Lundi 19 juillet 2010 12h25
Auteur : izarralune (IP: 88.161.60.222 , pas72-1-88-161-60-222.fbx.proxad.net)
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3 – LES POETES
Ce que les puits profonds ne savent pas, c’est l’éclat des nues, le feu des orages, le souffle des tempêtes. Et la subtilité des cendres.
Les poètes, imbéciles éclairés, pataugent dans les étoiles pendant que les autres fauchent leur blé quotidien.
Poète à la lyre, tu n’es qu’un loqueteux ! Honte à toi qui a les pieds boueux : lorsque tu chantes le ciel tu crois faire l’oiseau, alors que tu ne fais que la mouche. Vermine issue de la vermine, tu retourneras à tes vers : seule récompense de ta vanité.
Paysans, cul-terreux, fossoyeurs du vent, je vous aime ! Vous les planteurs de légumes, les récolteurs de pluies, vous les oracles des champs, les ramasseurs de soleil, vous êtes les vrais poètes de ce monde. Vos tomates qui mûrissent enchantent mon coeur, vos patates adoucissent mes moeurs, vos poires à l’automne tombent sur ma tête. Je me perds, ivre de plantules, dans vos sillons féconds.
Muse, vaine compagne de nos panthéons, ferme-là ! Écoute plutôt le chant âpre et vrai du laboureur. Écoute gémir la femme qu’il ensemence. Cette paysanne que tu railles au son de ta lyre, elle couvre de sa voix énorme tes cordes si sensibles… N’entend-tu pas vagir le fruit de ses entrailles ? Ils l’ont appelé Gaspard, tandis que tu te fais nommer chimère. Tu vois, tu n’es que fumée.
Muse, vieille souche que tu es, le poète aux pieds nus est bien fou, qui se répand en verbiages pour la seule gloire de tes racines sèches. Parce qu’il n’est point chaussé, il se prend pour un albatros. Mais ses ailes ressemblent aux oreilles qu’agitent les ânes, et son chant précieux s’apparente au nasillement du canard.
Laissez monter la gerbe et mûrir la graine, vous les joueurs de luth. Pendant que croissent la carotte et le chou, jouez, jouez donc. Chantez le crépuscule à vous en soûler jusqu’à l’aube.
Vos muses sont mortes depuis longtemps et vous ne le savez pas. Depuis une éternité la Poésie a déserté les constellations pour se réfugier dans les potagers. Orgueilleux que vous êtes, vous ne voulez rien savoir. Alors toujours chantez dans la nuit, marchez sans semelle, poursuivez votre quête… Continuez à ensemencer le ciel de votre salive, vous ne récolterez que des postillons.
Et si un jour vous vous mettez en tête de creuser la terre, vains comme vous êtes, vous hériterez encore et toujours de salades.
RAPHAËL ZACHARIE DE IZARRA
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19 juillet 2010
1.POESIE