Zaoui sait faire des merveilles par le truchement de ses mots profonds et captivants. C’est ce qui fait de lui un grand auteur.
Festin de mensonges est un roman qui raconte l’histoire d’un homme. Un homme dont l’arbre généalogique de sa famille, calligraphié sur une peau de gazelle, remonte au prophète Mohammed (QSSSL). Et qu’Allah avait créé son village avant le reste du monde.
De son origine prophétique, le jeune Koussaïla conserve une nostalgie troublée. Il est né gaucher. Il mange avec la main impure dont, dit-on, les infidèles se serviront pour ouvrir les portes de l’Enfer au jour du jugement dernier. On lui a aussi dit, que son pays venait de renouer avec la liberté. Une liberté qui conserve au village un inexorable goût de banalité. C’est dans ce monde confiné, brûlant de liaisons cachées, d’amours incestueuses, que le jeune garçon se prépare à sa vie d’adulte. Bâti en spirale, et écrit dans un style incantatoire, Festin de mensonges, le roman d’Amine Zaoui est un récit d’apprentissage trouble et déroutant. Il raconte la gageure de grandir pour un adolescent d’un village du fin fond de l’Algérie, un adolescent qui lit Les fleurs du mal en cachette mais connaît le Coran par cœur, un adolescent qui découvre l’amour des femmes, avec une sorte de piété, réservée d’ordinaire à Dieu, un adolescent enfin qui affronte la vérité du monde à la veille du 19 juin 1965 et des bouleversements du Proche-Orient. L’écriture ici, est plus qu’un exutoire, elle sert à dénoncer les apparences mensongères du monde, pour mieux nous faire pénétrer dans un univers tout en jouissances et réjouissances. Un hymne à l’amour, aux passions et à la littérature. «Ce soir, ma langue refuse de s’endormir. Terre sourde, géographie tout en obscurité et en mensonges, je l’ai traversée. Sucrée et amère, je l’ai dégustée, avalée : tfouh… tfouh… tfouh… Je crache sept fois sur ma poitrine et sur la terre rouge que foulent mes pieds nus et je dis : Louanges à Allah le Beau et le Miséricordieux ! Cette vie, comme un grain de sel coincé dans la gorge, je la transporte, je la supporte. Elle a le goût d’un mauvais vin. Mal de tête. J’avance dans l’écume des jours. Depuis cette enfance-là, diabolique, morveuse et empestant, ma vie m’a toujours fatigué. Elle m’a toujours abattu : je l’ai portée, et je la porte toujours sur mes épaules comme un fardeau. Je l’ai traînée et je la traîne inlassablement derrière moi comme un cadavre décomposé. Cette vie-là ne m’appartient pas. Je lui appartenais. Je plonge dans la boue de ma mémoire tatouée par des visages de femmes et je vous raconte ma vie mal brûlée. Pièce par pièce je la démonte ; pièce après pièce je la remonte. Je la retourne, je la détourne, qu’importe. Et je mens. Louange à Dieu le Parfait des Parfaits !», peut-on lire dans ce roman. Né en 1956, AMIN ZAOUI est romancier et essayiste bilingue. Il a été professeur de littérature à l’Université d’Oran, puis directeur du Palais de la Culture d’Oran. Il a aussi été directeur de la Bibliothèque Nationale d’Alger. Il est l’auteur de nombreux romans traduits dans une dizaine de langues. Parmi ses publications : Les gens du parfum, roman (Le Serpent à Plumes, Paris, 2003) ; La culture du sang, essai (Le Serpent à Plumes, Paris, 2002) ; Haras de femmes, roman (Le Serpent à Plumes, Paris, 2001) (éd. Barzakh, Alger, 2003), et Journal d’un Insurgé (éd. ACL, Lyon, 2005).
17 juillet 2010
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