Alléluia ! Constantine n’aura plus de bidonvilles d’ici à six mois ! L’annonce vient d’être faite par son wali et l’allégresse a gagné la «Cité Bessif» la bien nommée…
Trente années après le «coup de force» (traduction de «bessif») de quelques familles ayant décidé de s’octroyer un toit en dehors de la loi,
voilà venu enfin le temps du relogement et de la… légalité, leur a-t-on dit. Tout cela est bien et demeure même conforme au rôle de l’Etat. Cependant, ce qui l’est moins ce sont les fanfaronnades qui accompagnent de telles annonces et poussent un certain haut fonctionnaire à l’autosatisfaction et aux diagnostics définitifs quand de prudents spécialistes rappellent depuis longtemps que le problème de l’habitat précaire ne se résout pas uniquement par la chirurgie. Ce n’est donc pas tant que l’administration actuelle en fasse un cheval de bataille de ces opérations de relogement (d’ailleurs les précédentes avaient fait de même), mais de la capacité des pouvoirs publics à mettre en place une véritable politique urbaine. Celle qui doit aller au-delà du déplacement des populations du nettoyage par le vide et par les bulldozers des sites squattés. Car dans ces cas-là, l’échec est garanti et ne prémunit guère contre le risque d’un nouveau «bourgeonnement ». Dans sa longue histoire, cette ville a eu justement à connaître souvent de tels avatars avec la question. Il y a quelques années, une polémique locale et néanmoins singulière a éclaté au sujet de l’ancienneté des sites bidonvillisés à la veille d’une semblable opération de relogement. Entre les gourbis du Mansourah et ceux de la carrière Lentini, il fallait à l’administration trancher lequel, des deux, avait la priorité. Avec son demi-siècle «respectable», le squat du Mansourah se pensait comme le haut lieu de la grande misère. Mais c’était sans compter sur d’autres greffiers de la mémoire qui parvinrent, eux, à exhumer la preuve écrite qu’un autre l’a précédé. Grands bâtisseurs de gourbis, les habitants de la carrière Lentini datèrent avec exactitude leurs occupations des lieux. Il leur avait suffi d’exhiber un extrait de décès d’un résidant datant de 1941 pour s’imposer dans cette étrange querelle. Comme on le voit, l’accès au logement social relève moins de critères socio-économiques des résidants réels et recensés comme tels que comme un levier démagogique que manipule l’administration dont la réputation dans ce domaine n’est plus à faire. La procédure est répétitive, les justifications aussi et, comme l’on ne doit plus en douter, les résultats sont chaque fois annihilés par de nouvelles vagues de demandeurs. Autant dire d’une manière abrupte que l’éradication du bidonville illégal n’est possible que dans le cadre national et coercitif d’une véritable politique de la ville. Et pour cause, le gourbi demeure dans les réflexes sociaux et culturels le premier maillon dans le chaînon permettant de s’insérer dans la cité. Sans complaire au zèle des administrations locales consistant tantôt à déloger d’une manière odieuse des populations et tantôt à médiatiser outrageusement le relogement d’autres, force est d’admettre que, dans les deux cas, elles font fausse route. Car à l’évidence, elles semblent ignorer que l’assainissement urbain est loin de n’être qu’une arithmétique de logements et de quotas orientés. Oublie-t-on, en effet, qu’au-delà des moyens mis à disposition et même du souci esthétique, une ville a besoin d’autres choses ? En un mot : l’urbanité. Celle qui consiste à une somme d’habitudes dans le savoir-vivre partagé. En clair, il y a autant d’urbanité humaine croupissant dans nos bidonvilles que d’incorrigibles ruraux ayant pignon sur rue. Enoncer imprudemment le dogme du droit au logement à tout résidant sans préciser quelques modalités restrictives (ressources, scolarités des enfants, etc.) n’a-t-il pas été à l’origine de la bataille perdue contre l’habitat alibi ? Sachant que les populations des bidonvilles se renouvellent par vagues, comment expliquer cette bienveillance ruineuse sinon par la corruptibilité de l’administration et des élus ? Ainsi, quand se conjuguent les conditions objectives d’une ruralisation galopante et la passivité des pouvoirs publics, il ne peut en résulter qu’un immense gâchis plus coûteux au Trésor de l’Etat que ne pouvait l’être la restauration entière d’une métropole de la taille de Constantine. Face à une problématique d’une complexité sans pareille, l’administration locale ne peut, sur le court terme, que jouer aux «marchands de sommeil » au profit du peuple des bidonvilles tout en sachant qu’elle ne parviendra jamais, par elle-même, à assécher le flot des candidats. Aussi trouve t- elle chaque fois légitime de manifester sa présence et, dans le même temps, faire sa propre promotion en amplifiant médiatiquement les «youyous» de la cité Bessif puis de s’en aller susciter ceux de Fedj-Errih. Comme un remake, le même spectacle passe en boucle depuis des années grâce auquel tout wali croit jouer le premier rôle. Mieux, celui qui est en poste actuellement nous promet que dans 180 jours, Constantine aura reconquis ses horizons jusque-là bouchés par cette verrue. Une promesse de plus et du même tonneau que celle du 3 août 2008, date de la pulvérisation du stade Benabdelmalek. A cette époque-là, il était dit que les rails du tramway passeraient dans, au plus tard, 6 mois ! Deux ans après, les Constantinois savent où en sont les travaux !! Hélas, rien n’est plus accablant que les promesses dès lors qu’elles n’engagent que ceux qui y croient ! Comme il se doit, par conséquent, un wali n’y est jamais pour quelque chose à l’heure des rendez-vous.
Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/07/17/article.php?sid=103059&cid=8
17 juillet 2010
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