Rien à raconter aujourd’hui : le monde se fait sans nous et même quand il joue au ballon. Bouteflika a perdu son frère après avoir perdu sa mère. C’est un drame humain. Il a perdu Zerhouni, Temmar et Khelil.
C’est un échec politique. La raison ? Il a fait perdre du temps au pays et à sa propre biographie. Autre chose à déclarer ? Des gendarmes algériens ont été massacrés à l’extrême sud. Est-ce vrai ? A peine. L’Etat n’en a pas parlé et le tragique a été traité avec le coefficient d’un fait divers : après la fin d’une guerre, les morts sont des accidents pas des martyrs. Ces gendarmes ont à peine été évoqués entre la nomination d’un DGSN et une déclaration de Kadhafi. Ensuite ? Une émeute anodine, une vague de chaleur annoncée, de la viande qui viendra de l’Inde. Cela rappelle un hadith : «quêtez le savoir même en Inde». On y quêtera de la viande pour le ramadhan. Ensuite ? Le Mondial est fini, beaucoup d’enfants algériens jouent au ballon au bas des immeubles, les affaires de corruption font dans la mi-temps.
En vérité, il n’y a rien à dire. On ne peut pas fabriquer de l’événement en Algérie si le Pouvoir n’éternue pas. L’Algérie est une géographie claire : au nord, c’est le Pouvoir, au sud, c’est le Sahara. Quand le Pouvoir ne dit rien, ne se dispute pas dans sa cuisine avec lui-même, ne lance pas une réforme ou ne tricote pas des rumeurs, on n’a rien à dire et tous les journaux algériens le savent. Le Pouvoir ne prend pas uniquement en otage l’Etat qu’il a épousé de force, mais aussi la chronologie, le temps, la parole, le loisir et le monopole sur le bavardage et les affaires d’incestes idéologiques.
Le Pouvoir est une sorte de but en boucle avec un casting fermé: chouhadas, légitimité, militaires, FLN, «services», clans, régions et reliquats de disputes nocturnes qui remontent à l’époque du maquis. Tout le reste du pays est dans la posture technique du second rôle ou de la figuration : dans le film du pouvoir, on peut jouer le rôle du cheval, des deux mains qui applaudissent ou d’une orangerais socialiste ou d’une pénurie enfin assouvie par une importation massive, mais on ne peut pas avoir droit au rôle de l’homme humain qui donne la réplique et fait avancer l’intrigue par un enlacement. Le Pouvoir joue seul même s’il est pluriel. Il parle à lui-même et ne répond qu’à ses propres questions. C’est dire que quand cet homme gigantesque qui mange la terre et se cure les dents avec des monuments, ne fait rien, on se retrouve tous face à rien du tout, oisifs sans réponse musculaire détectable. C’est le drame connu des décolonisations récentes : elles finissent toutes en biographies ou en autobiographies. Quand le Pouvoir ne raconte pas sa vie, la vie s’arrête de raconter le reste des vivants.
13 juillet 2010
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