L’agrément d’un parti politique serait un «problème politique qui se traite dans un cadre politique et non administratif». Sans être des puristes et sans occulter les parts d’impondérables propres à la «démocratie spécifique»,
ceux qui enseignent le droit en Algérie ont dû sursauter en lisant la déclaration du ministre de l’Intérieur. Comment en effet expliquer aux futurs juristes du pays que l’application d’une loi encadrant un droit reconnu constitutionnellement à tous les citoyens soit soumise à une appréciation politique du pouvoir en place ? Devront-ils, lorsqu’ils enseigneront certaines lois, expliquer à leurs étudiants que les articles fixant les conditions de l’exercice de telle ou telle activité on n’ose pas dire «liberté» – sont nécessaires mais qu’ils ne suffisent pas à exercer ce que la loi permet de manière formelle ?
Ces enseignants devront espérer que leurs étudiants ne seront pas très curieux et ne leur demanderont pas de leur expliquer les conditions non prévues par la loi qui seraient nécessaires à son application
La petite polémique entre le ministre de l’Intérieur et M. Mohamed Saïd est venue d’abord nous rappeler l’approche absurde qui règne dans notre pays, où il a été décidé que la vie politique devait être gelée. Et cela se fait en dehors de la loi. Les raisons du pouvoir n’ont jamais été clairement exprimées.
La chose la plus claire est que les responsables du ministère de l’Intérieur en charge de la mise en œuvre avaient de la peine à invoquer la loi, en théorie seul critère d’appréciation, pour refuser l’agrément de nouveaux partis politiques. On en est réduit à constater que l’interdit politique de fait est général puisqu’il a touché et touche des personnalités de courants politiques divers, voire opposés. Cet interdit ne peut aussi invoquer l’existence déjà d’une multitude de partis L’élimination d’un parti de la scène politique étant l’affaire des électeurs et non de celle de l’administration.
Il n’y a aucun argument de droit opposable à ceux qui veulent créer un parti politique, il n’y a que le mauvais argument de l’autoritarisme. On devine aisément pourquoi les arguments des autorités, selon lesquelles l’état d’urgence en vigueur depuis 1992 n’entrave pas les libertés, laissent de marbre les militants des droits de l’homme. Le cas de la «suspension» de fait et non de jure de la création de partis est suffisamment édifiant.
Si le propos de M. Dahou Ould Kablia a le mérite de la franchise, il n’en pose pas moins un grave problème, celui de l’autorité de la loi et de l’absence d’exemplarité des pouvoirs publics dans ce domaine. Exiger de ceux qui veulent créer un parti – droit reconnu et garanti – d’attendre que le pouvoir modifie la Constitution et la loi est exorbitant. C’est strictement parlant une sortie de la loi. Dans aucun système au monde, l’application d’une loi n’est suspendue au motif que le pouvoir envisage de la changer un jour. Dans un système de droit, l’agrément d’un parti politique est effectivement une question purement administrative , entendue au sens de mise en œuvre de dispositions légales.
C’est sur cette pente glissante que l’on se trouve depuis qu’il a été décidé que la vie politique sera gelée
13 juillet 2010
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