Le Carrefour D’algérie
Dans le but probable de ne pas réitérer la confusion et les agitations qui ont prévalu lors de la rentrée de l’exercice écoulé, le ministre de l’Education, M. Benbouzid, a tenu à rappeler que la décision prise d’unifier le port et la couleur des tabliers était irrévocable. Si l’on devait procéder à une étude sémantique des termes
usités par le système de gouvernance algérien depuis toujours, les mots «irréversible» et «irrévocable» occuperaient une place de choix dans une espèce de formule incantatoire d’auto admonestation. Ces décisions unilatérales, prises souvent à la hussarde, dans la précipitation, en même temps qu’elles témoignent d’une absence de cohésion, d’un manque d’harmonie, créent des phénomènes de résistance passive ou active et poussent à ces sortes de cri de rage institutionnelle comme celui-ci: irrévocable. L’on n’aurait pas rechigné à rajouter deux ou trois « r » pour un rendu plus ronflant de cette réalité amère. Si ces mêmes décisions procédaient d’une démarche démocratique, intégrant la recherche du consensus et de l’adhésion comme voie royale dans l’objectif de convaincre et partant, de rassembler, peut-être que le ministre n’aurait pas eu besoin d’user d’un vocable d’une telle intensité. Il conviendra pour édifier les générations futures de souligner que rien n’est vraiment irréversible et que tout – ou presque peut être soumis à la sagacité de la volonté populaire. L’on a au demeurant suffisamment glosé sur cette curieuse disposition, le port obligatoire du tablier, dont les motivations seraient sous tendues par le désir de gommer les différences sociales. Est-ce possible d’ailleurs de cette simple manière? Terrible destin, inacceptable injustice, que de demander à un modeste accessoire vestimentaire de réaliser ce que toutes les politiques initiées depuis des lustres n’ont pas réussi à effectuer malgré les dénégations: le gommage des différences sociales. Ou plutôt que de réaliser ce chimérique égalitarisme, peut-être que l’on n’aura pas résisté au désir de produire l’illusion du changement, faute d’avoir accédé à cette qualité de l’enseignement dont on ignore les causes qui sont à l’origine de la déliquescence. C’est bien les premiers responsables de la haute hiérarchie du secteur de l’Education qui se proposent «maintenant» d’atteindre… des objectifs qualitatifs. Est-ce une dichotomie bien algérienne de songer d’abord à former ou à produire en quantité pour par la suite vouloir accéder à la qualité? La quantité et la qualité ne sont-elles pas les deux faces d’une même entité, surtout lorsque l’on touche à un domaine aussi sensible que celui de l’Education?
12 juillet 2010
Contributions