Dimanche 11 juillet 2010
Aujourd’hui on n’y est pas. Comme hier et avant-hier et depuis que le monde a une coupe, des jambes et sait courir mieux que nous. La Coupe du monde, on va la regarder passer d’une main à l’autre à travers El Jazeera.
Comme on fait chez nous, pour nous-mêmes, le temps, le pétrole, les présidents ou les crues d’oued. On va regarder. L’Algérien est un voyeur parce que le Pouvoir lui a coupé les mains et parce que l’ENTV lui a coupé l’appétit. Donc, depuis que les joueurs algériens sont rentrés dans leurs pays étrangers, les Algériens ont slalomé entre les nationalités qui leur étaient proposées chaque fin de jour à la télé : certains ont été allemands, d’autres ghanéens, des derniers ont accueilli l’Espagne mieux qu’elle ne les accueille elle chez elle. C’en était même amusant de regarder les gens regarder un match : s’enthousiasmer comme un peuple suisse neutre et impartial, pour une équipe ou l’autre sans distinctions ni préférences réellement fondées. Le but était dans le fun et l’esthétique des passes et des corners. La règle veut que si on ne fait pas partie du monde, on peut au moins le regarder et il peut au moins nous amuser et nous faire rêver avec ses pieds. Donc, et pour revenir à l’essentiel, encore une fois, nous avons été éjectés du programme spatial mondial à peine le premier nuage dépassé par notre délégation de cosmonautes. Nous resterons au sol. Pour aller dans l’espace, il faut cultiver la terre, la posséder, y planter des récoltes, y amener des poteaux et, au bout de trois inventions fondamentales, fabriquer une première fusée et aller sur la lune pour être américain. Mais, les américains ont-ils gagné la Coupe du monde ? Non, ils ont seulement vaincu notre équipe. Une des plus fines joies de noyés que nous avons éprouvée d’ailleurs, c’était de voir qu’aucune équipe de notre groupe n’a mis le pied dans le carré d’or.
Donc et pour revenir à la règle, il faut noter qu’il ne faut pas être riche, blanc et beau pour avoir une bonne équipe. On peut être ghanéen et jouer comme des dieux. Ou uruguayen et jouer comme des papillons. Donc si pour gagner on n’a pas besoin d’être des riches et des pays spatiaux, pourquoi notre équipe s’est contentée d’un verre jetable à la place de la Coupe du monde ? Pas seulement à cause de Saadane qui est le pur produit de notre évolution biologique et on ne peut pas lui en vouloir d’être végétarien puisque nous le sommes tous face à la gloire. Pour avoir des jambes honorables, il faut avoir des mains puissantes et un peuple qui veut grimper. Sinon, ça ne colle pas. On peut importer des joueurs mais pas un peuple entier. C’est peut-être ça qui ne fonctionne pas dans nos tentatives de reconquête du monde : le ressort et son pays de fabrication. En attendant de trouver, on peut donc regarder : aujourd’hui le monde va s’offrir une coupe et nous allons le regarder y boire son soda. Une leçon ? Oui : celle de l’Afrique du Sud. Le Mondial Mandela y a prouvé qu’on peut vivre en Afrique, y réussir un peu sa vie et son pays sans souffrir d’être africains. C’est un peu pompeux, mais c’est vrai. Si Ferhat Abbas n’avait pas été culbuté, les Français vraiment algériens pas chassés comme le fera Mandela avec les Afrikaner, si le GPRA avait vraiment réussi à implanter la démocratie et à garder à l’Algérie ses racines, et si le premier président algérien aurait cédé le pouvoir, comme Mandela, après un seul mandat, c’est nous, le pays de l’Afrique du Nord qui aurions organisé le Mondial. Mais tous les philosophes savent que le mot «Si
» est une biographie des dieux, pas celle des hommes.
12 juillet 2010
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