Ce fut cette semaine-là où le Ghana sauva l’honneur africain en Coupe du monde, au lendemain d‘une surprise nationale, l’élimination de l’Algérie, bien après que l’Italie de Lippi, champion du monde en titre, se fasse éliminer par la Slovaquie, alors même qu’on n’avait pas encore épuisé le débat sur Saâdane, ce fut cette semaine- là que onze gendarmes trouvèrent la mort à Tinzaouatine, dans la wilaya de Tamanrasset et, avant eux, deux militaires et cinq citoyens dans deux autres embuscades, les premiers à l’ouest de la ville de Si-Mustapha, dans le centre de la wilaya de Boumerdès, les seconds dans la localité d’El-Ghorab, commune de Stah-Guentiss, dans la wilaya de Tébessa.
Ce fut une mort étrange, un jour de foot, à une heure de grande écoute, les têtes à la fête et, de surcroît, dans un pays où ne subsistait plus trace de terrorisme. Le ministre des Affaires étrangères l’avait répété, avec force gesticulations, et Belkhadem, avec la foi du représentant de commerce, avait juré devant la presse que les délits liés à la petite et moyenne criminalité avaient dépassé ceux rattachés au terrorisme désormais relégué au rang de vulgaire maraudage. Depuis, les gens vivaient avec l’apaisante certitude qu’à l’échelle des menaces, le pickpocket avait déclassé le terroriste et qu’ils avaient, en conséquences, plus à craindre pour le porte-monnaie des vieilles dames que pour la sécurité de la patrie…
Oui, une mort bien étrange…
C’était une semaine de foot, le Brésil l’emportait sur Ronaldo, un jour de foot, à une heure de grande écoute. Mais ce n’était pas une heure pour mourir. Les familles se mirent ainsi à pleurer à la minute même où sortaient dans Alger les premières voitures triomphantes célébrant la participation honorable de l’équipe nationale en Coupe du monde. Le deuil fut interprété comme un geste contraire à l’intérêt national. A cette heure de grande écoute, on a écouté les klaxons, cela va de soi. C’est bizarre, les klaxons : on les croit faits pour réveiller les morts ; on les découvre très pratiques pour endormir les vivants.
Personne ne se souviendra donc de onze gendarmes, deux militaires et cinq citoyens qui trouvèrent la mort dans deux attaques terroristes, les premiers dans le désert, les autres dans des provinces oubliées.
D’ailleurs, personne ne saura les noms des victimes. On connait, en revanche, celui du joueur qui élimina l’Algérie : Donovan !. On sait également le nom du lieu-dit où périrent les onze gendarmes : Tlougat, à 35 km de Tinzaouatine, dans la wilaya de Tamanrasset. Et même celui où les cinq citoyens ont été tués, El-Ghorab, près de Tébessa.
On ne saura jamais si Medelci avait raison mais on sait, à coup sûr, que les deux officiers tués avaient tort puisque les morts ont toujours tort si après leur mort il n’y a pas quelqu’un pour les défendre.
L’enterrement eut lieu dans une atmosphère crispée. On y parla essentiellement d’une question angoissante : l’Algérie se qualifiera-t-elle pour le Mondial de 2014 ?
C’était un épisode sans intérêt d’une guerre dont personne ne sut si elle avait été gagnée ou perdue, dont on ne se rappellera ni de l’époque ni des prétextes qui avaient servi à la déclencher, seulement des parrains qui en furent les seuls vainqueurs.
M.B.
6 juillet 2010
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