Le Carrefour D’algérie
Il est vrai que la question n’est pas vraiment d’actualité, ou plutôt qu’elle l’est tellement que l’on pourrait aisément en discourir à l’envi sans s’en lasser. Elle est relative à l’esthétique de l’environnement urbanistique, elle touche donc
à notre quotidienneté immédiate elle aussi mais avec ses prolongements culturels, elle rejoint la qualité de la vie même. Une vie passablement altérée par l’extension spatiale de ces triviales «tartes de pâtisseries» qui enserrent les agglomérations avec une dose impressionnante de mauvais goût. Tout y est ou presque, et semble parler du passé et présent tumultueux qui ont marqué ce peuple: Ersatz de manoirs français du 19 siècle, petites casas espagnoles, maisons turques grossièrement faïencées, châteaux forts flanqués de leurs donjons et meurtrières et last but not least, la formule qui apparemment a séduit une majorité d’algériens sans doute pour son aspect utilitaire: le «Container». Il pourrait au demeurant figurer au Guinness des records du nombre de pièces construites par rapport à l’espace disponible, concédé parfois à l’arraché. Il semblerait qu’un Ministre de la République se soit exclamé tout récemment «souhaitant» oui, seulement cela, que les constructions respectent l’environnement et, l’on ajoutera, de l’esthétique d’ensemble. Mais quelle esthétique? Et d’abord existe-il en Algérie un référentiel sérieux, règlementaire, qui traite de ce thème tellement délicat de l’esthétique urbanistique… Délicat parce qu’il correspond à des ressorts qui relèvent du goût personnel, de la culture, de la sensibilité même. Mais pour autant que ces considérations soient importantes et dignes de susciter le respect parce que touchant aux libertés publiques, il paraît inévitable d’entamer une réflexion dans l’objectif d’encadrer avec efficacité la liberté incontournable du constructeur à concevoir esthétiquement parlant son habitation. A l’heure où les codes, communal et de wilaya, sont en chantier il s’agira peut être de s’interroger s’il ne convient pas de conforter les «maires» dans cette faculté de refuser une esthétique qui déparerait avec la tonalité d’ensemble, il est vrai déjà considérablement altérée. Bien sûr en imaginant des procédures qui à la fois respecteraient cette liberté indiscutable, tout en étant convaincantes par leur justesse. Les pays voisins et pour ne citer que le Maroc ou la France y ont réussi. Dans le pays maghrébin par exemple, si les habitations ne sont pas identiques et cela n’est pas souhaitable, leur style architectural s’intègre dans une cohérence d’ensemble «arabo-occidentalo-islamique» que le lecteur pardonne ce barbarisme. En France en revanche, il existe un code de l’urbanisme qui en principe s’applique à tout un chacun. D’ailleurs une affaire défraye la chronique actuellement et agite les prétoires des tribunaux. L’habitant d’un petit village a décidé de repeindre la façade de sa maison en noir. Mal lui en prit, puisque le maire de cette petite agglomération estimant que la couleur noire pourrait contrarier le caractère d’ensemble du village, très prisé d’ailleurs par les touristes, a entendu éviter la contagion et une multiplication de ce type d’initiatives. Il a donc mis en branle l’arsenal des instruments juridiques dont il dispose, avec l’œil bien entendu fixé sur le tiroir-caisse. Le financement par le tourisme figure en effet en bonne place dans les postes des finances publiques de ce pays. Mais le tourisme qui s’en soucie chez nous?
5 juillet 2010
Contributions