Il se réveille, les yeux sulfureux d’avoir trop veillé. Ses lunettes de soleil ? C’est un soutien-gorge qu’il lui faudrait à la place, tellement ses yeux sortent de leur orbite. Etre en retard à son poste, c’est le dernier de ses soucis. Dispo ? Disponible et en pleine forme ? Tu penses Rien de tout cela ! Dans les couloirs, on ne cesse de le répéter : ceux qui arrivent tôt croisent ceux qui partent tôt. Le chef, ma chef ouassou, et les ouassous se transforment en chefs. C’est un deal.
Le contribuable, lui
il peut toujours gueuler. De toute façon, c’est pareil. Mieux, il a intérêt à bien se tenir et prendre son mal en patience dans ce grand bâtiment où la plus grande pièce est la salle d’attente. Sinon, quand arrive son tour, on lui sort le mot fatal «mazel». Pas encore. Car faire attendre les gens, c’est exister. Sans cela, il n’est rien le préposé au service public.
«Allah ghaleb khouya, celui qui doit signer n’est pas là ! Revenez demain». Si vous exigez plus de précisions vous les aurez. «Demain, c’est ghadoua, inchaallah». Commence donc l’attente, quand il n’y a plus rien à attendre, ni même la fin de l’attente… L’attente, elle, n’attend rien. Mais vous êtes obligés de vous y faire. C’est la loi du mazel.
Le responsable est là ? Non, mazel. Mes documents sont prêts ? Mazel ! Il est magique le mot mazel. Paralysant. Mazel il faut patienter. Mazel il faut être à l’affût. Mazel il faut guetter. Mazel il faut se morfondre, différer, reporter, surseoir, faire durer, temporiser, escompter, espérer, lanterner, retarder.
Mais mazel kayène l’espoir, les jours changeront un jour. Peut-être qu’un jour pourra-t-il mieux vivre. Le jour où la tripartite discutera du salaire minimum garanti et du salaire maximum plafonné. Comme on discute les heures de travail
Peut-être
5 juillet 2010
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