Alors que le pays en est encore à soigner ses douloureux ballon (nements), le temps semble comme arrêté ; au point qu’à part les vacances prolongées jusqu’au prochain choc émotionnel national, quoi se mettre sous la plume en attendant le grand sommeil qui pointe dans un mois ? Et à propos justement de ce «mois sabbatique» qui avance droit sur nous avec, cette année, un couvre-feu, climatique celui-là, qui sera imposé à tous, la bonne nouvelle vient de ceux en charge de la marmite nationale qui ont déjà promis qu’il n’y aura point besoin d’un PAP «spécial ramadhan». Et que même les tricheurs de tout poil, même s’ils font carême comme tout le monde, seront soumis à un marquage de zone par des contrôleurs ubiquistes, eux-mêmes chargés de nous protéger nos poches «essorés» contre les chipeurs en tous genres.
Parce que tout le monde ne mange pas forcément par la bouche, comme tout un chacun ne parle pas de la même langue, le peuple se retrouve (dé) coupé en morceaux et en rondelles dans la complexe généalogie de ce que d’aucuns appellent l’art peu raffiné de la «mangeaison». Du bedonnant au freluquet, de l’émacié à l’anguleux, du ventriloque jusqu’aux estomacs (dé) vidés, de l’appétit léonin à la chair trop molle, des «rôteurs» de formation jusqu’aux mal empiffrées par vocation, il y a ceux qui bouffent à vingt doigts mélangés, même quand ils sont «occlusés». En face d’eux, il y a la gent de ceux qui se sustentent au besoin, ceux qui becquettent par pur instinct de conservation, ceux qui ont appris à simplement ingérer ce qui est comestible, d’autres qui se suffisent d’ingurgiter tout ce qui vient à portée
de bouche. Au moment où d’autres, dans un rassasiement digne des fauves encagés, boulottent selon la grandeur des yeux, gueulletonnent en cachant les restes dans le revers du portefeuille, se gobergent quand ils ne veulent plus gamberger, ou se goinfrent quand il faut tout juste prendre le goûter. Il y a même, paraît-il, des bipèdes qui pratiquent régulièrement le sport du becquetage, du broutage et même du béquillage.
Et comme le pain n’est pas le premier classé dans l’infinie chaîne alimentaire, le pain n’est pas non plus mangé de la même manière par tous : il y a ceux qui l’ont sur la planche, assis à la même table que ceux qui préfèrent le manger cru. Il y a aussi ceux qui ont le pain certes dur mais la dent aiguë. Juste en face de ces «khobzistes» pas comme les autres, il y a ceux auxquels le pain faut à tel point qu’ils vendent jusqu’à leur dernier croûton rassis, d’autres ont le mains si noires qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils mangent du pain trop blanc, avec en tête du peloton ceux qui ont toujours mangé leur pain sous le manteau
Quant à ceux qui nous promettent plus de beurre que de pain, la justice des affamés voudrait être telle qu’il faut absolument les expier en les obligeant à jeûner douze ramadhan de suite pour s’excuser de nous avoir fait prendre leurs pieds nickelés pour des mains
baladeuses
Mais comme un pain dérobé finit toujours par réveiller un appétit toujours plus gargantuesque, autant donner du pain coupé à ceux qui n’ont jamais eu de maître !
5 juillet 2010
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