Le déclenchement de la guerre d’Algérie va plonger Camus dans une grande solitude, il s’isole davantage, lui le Méditerranéen, le pacifiste, dont la mère vit toujours dans un quartier populaire d’Alger.
Des lectures choisies ou improvisées, Noces à Tipasa demeure dans la bonne place et pour conséquent un texte riche en émotions et en sensibilités, même si parfois irritant par tant de descriptions éblouissantes. «Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierre… » Tel était Albert Camus passant du beau au vil, de la colère à l’apaisement, de la frustration aussi, tant il était amer face à la surdité d’une mère qui ne savait en plus ni lire ni écrire, ce «vide» ou cette «absence » ont fait naître en lui le désir et la volonté d’être écrivain afin de répondre au silence de la mère. C’est à elle qu’il dédicacera son dernier livre le Premier Homme «A toi qui ne pourras jamais lire ce livre.» Un roman paradoxal où le fils meurt, tué par sa sœur et sa mère, parce qu’il avait menti. Il ne leur a jamais dit qui il était. Elles le tuent parce qu’elles ne le reconnaissaient pas, un malentendu qui a poussé à ce drame. Camus avait un amour infini pour sa mère, elle incarnait l’innocence pour lui et c’est presque spontanément qu’il dira dans une conférence de presse à Stockholm lors de la remise du prix Nobel de littérature en 1957 cette phrase célèbre qui va le condamner et le damner presque : «Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice» ou plus juste encore «Si j’avais à choisir entre la justice et ma mère, je choisirais encore ma mère», écriront ses biographies, car cette phrase souvent déformée. Phrase qui fera dire à Simone de Beauvoir que Camus s’était rangé «du côté des pieds-noirs» et d’autres qu’il a choisi la colonisation contre la guerre d’Algérie, d’autres encore sa France contre son Algérie et cela cinquante ans plus tard, cela demeure un sujet de débat controversé. A cette époque, la mère de Camus, vieille, à moitié sourde, vivait dans un quartier populaire et pauvre à Alger. Le déclenchement de la guerre d’Algérie va plonger Camus dans une grande solitude, il s’isole davantage, lui le Méditerranéen, le pacifiste dont la mère vit toujours dans un quartier populaire d’Alger. Son appel à la «trêve pour les civils» lancé en janvier 1956 l’éloigne de la gauche, qui soutient la lutte pour l’indépendance algérienne. Faut-il pour autant occulter ce que fit l’homme, plutôt l’écrivain au regard de l’œuvre dimensionnelle et grandiose qu’il a laissée entre philosophie de la vie ou la condition humaine avec des essais : l’Envers et l’Endroit, une suite d’essais sur le quartier algérois de Belcourt et sur deux voyages, le premier aux Baléares et le second à Prague et Venise. Publié à Alger en 1937 par Edmond Charlot puis le Mythe de Sisyphe sur l’absurdité du suicide. Ses romans la Peste, le Premier Homme, la Mort heureuse ou la Chute sont fondés sur une prise de conscience de l’absurdité de la condition humaine. L’Etranger est la symbolique même de ce courant existentialiste où le personnage principal Meursault est condamné à mort après avoir tué un Arabe. Or, lors du procès, c’est l’attitude du héros à l’enterrement de sa mère parce qu’il n’a pas pleuré qui est mise en évidence. Les juges en concluent qu’il a «un cœur de meurtrier». Albert Camus, cinquante ans après son décès tragique dans un accident de la route le 4 janvier 1960, âgé alors juste de quarante-sept ans, alors qu’il aspirait à prendre d’autres chemins, déroutés par ses doutes et ses questionnements, le cinéma notamment l’attirait. Pour commémorer cette date, plusieurs manifestations sont prévues à travers le monde.
Nassira Belloula
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/01/03/article.php?sid=93616&cid=16
4 juillet 2010
LITTERATURE