Parution. Algérie, naufrage de la fonction publique et défi syndical : Une somme intéressante d’informations
La presse ne s’en est pas fait écho, pourtant le livre d’entretiens de notre confrère du Midi Libre, Algérie, naufrage de la fonction publique et défi syndical, sorti aux éditions L’Harmattan, est d’une importance capitale. Une première ?
Pas vraiment, puisque le sociologue Nacer Djabi a déjà réuni dans un recueil les propos de Lakhdar Kaïdi, un des pionniers du syndicalisme algériens (Une histoire du syndicalisme algérien, éditions Chihab, 2006), sauf que Graïne a fait le choix d’interroger plusieurs personnes, toutes responsables de syndicats autonomes de trois secteurs : la santé, l’éducation et l’administration publique. La recherche sur le syndicalisme en Algérie est restée « en jachère » ; peu de sociologues ou d’historiens ou même de journalistes s’y sont intéressés. D’où l’intérêt du livre paru aux éditions l’Harmattan dans la collection « CREAC-Politique et société », dirigée par Jacques Simon, spécialiste reconnu de l’Algérie. Les entretiens engagés à bâtons rompus avec Mohamed Boukhouta, Rachid Malaoui, Lyes Merabet, Larbi Nouar, Mohamed Salem Sadali ou encore Mohamed Yousfi datent de 2008, mais la situation socioprofessionnelle ou même politique n’a guère changé, ou peu. Le livre, une véritable somme d’informations, apporte des réponses ou, plus exactement, fait connaître celles des acteurs les plus en vue des syndicats autonomes inscrits dans un duel à fleurets mouchetés avec le pouvoir en place.
« L’histoire sociale de l’Algérie de ces 15 dernières années est en vérité une histoire qui s’est faite contre les trois acteurs qui monopolisent officiellement le dialogue social : le gouvernement, le patronat et l’UGTA », relève Graïne dans la préface, et d’ajouter : « Il se trouve que ce sont les syndicats autonomes qui contestent, s’opposent, se manifestent, mais c’est l’UGTA qui négocie à leur place. » L’auteur assure, à raison, que « les syndicats, dont les représentants s’expriment ici, ont particulièrement marqué de leur empreinte l’histoire sociale de l’Algérie de ces 15 dernières années ». Plusieurs thèmes se mêlent d’une façon intéressante : cheminement personnel des interviewés, travail quotidien des syndicats, mais surtout le combat de ces entités face à un pouvoir qui ne reconnaît que la « centrale » syndicale, en dépit des dispositions de la Constitution et des différentes conventions internationales signées par l’Algérie. Des anecdotes croustillantes ne sont pas en reste : l’on apprend avec délectation des épisodes ignorés du grand
nombre, même de ceux qui ont fréquenté ces syndicalistes au long cours. Des aspects anodins sont mis au jour par l’auteur sans pour autant privilégier le voyeurisme, attitude sordide perceptible dans certains écrits répandus. Larbi Graïne, journaliste passionné et chercheur assidu, a-t-il eu pourtant des regrets ? Redouane Osmane, fondateur du CLA et figure incontestable du syndicalisme, contacté, disparaîtra sans pouvoir « se mettre à table » et dire sa vérité sur un mouvement au développement duquel il a grandement participé. Le livre lui a été dédié. Aussi, Farid Cherbal du CNES a décliné l’offre du journaliste « pour des raisons qui sont les siennes ». Sa contribution, peut-on affirmer, aurait permis de rendre ce travail sur les syndicats autonomes plus complet. Le livre de Larbi Graïne, essentiel, doit être mis à la disposition des journalistes, qui se perdent souvent dans les rouages de ces syndicats, mais aussi à la portée des pouvoirs publics, vis-à-vis difficiles des représentants des travailleurs. Les chercheurs y trouveront aussi leur compte, cela va sans dire.
Algérie, naufrage de la fonction publique et défi syndical de Larbi Graïne, éditions L’Harmathan, France
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1 juillet 2010
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