L’économie française, plombée par les déficits, s’oriente, sous la direction très libérale de Nicolas Sarkozy, vers la compression des dépenses publiques et la rigueur. La dérive des comptes sociaux, dramatisée par le gouvernement, est le prétexte à la révision d’acquis sociaux particulièrement significatifs, comme le report au-delà de soixante ans de l’âge de départ à la retraite et l’allongement des durées de cotisation.
La situation économique n’est guère enthousiasmante avec une reprise «molle» et des statistiques du chômage qui ne s’améliorent pas, bien au contraire. C’est dans ce contexte que des révélations extrêmement embarrassantes sur les comportements de personnalités de premier plan viennent brouiller le discours officiel de rigueur.
Le cumul de salaires importants avec des retraites substantielles, des appartements ministériels de fonction attribués à des proches, des dépenses personnelles – comme les 12.000 euros de cigares d’un secrétaire d’Etat – payées par les budgets de fonctionnement, contribuent à confirmer l’image d’élites d’Etat en rupture avec les réalités sociales et leur propre discours.
La multiplication de ces affaires semble attester que l’aristocratie politico-administrative du pays n’est pas concernée par les injonctions qu’elle adresse à une population invitée à l’austérité. La cote de popularité du président, tendanciellement à la baisse depuis plusieurs mois, reflète l’exaspération de nombreux Français contraints de se serrer la ceinture devant le spectacle offert par le pouvoir. La désaffection grandissante de l’opinion, relayée par de nombreux journaux et des sites internet d’information, n’est guère atténuée par les manœuvres de diversion identitaires ou footballistiques.
Le dernier scandale en date met en cause un des principaux ministres, Eric Woerth, chargé du dossier éminemment sensible des retraites et antérieurement ministre du Budget. Ce haut personnage, qui cumule également les fonctions de trésorier du parti présidentiel, l’UMP, est fortement soupçonné d’avoir fait preuve d’une coupable mansuétude vis-à-vis d’une des plus importantes contribuables françaises, Liliane Bettencourt, une des principales actionnaires de la multinationale L’Oréal, elle-même convaincue de fraude fiscale. La suspicion est d’autant plus prononcée que la propre épouse de ce ministre était employée par une des sociétés financières qui gèrent l’immense fortune de la milliardaire de la cosmétique. Des enregistrements réalisés par un domestique indélicat de la veuve Bettencourt semblent accréditer la thèse minimale – d’un conflit d’intérêts.
Le gouvernement et la majorité tentent de défendre un ministre acculé sans parvenir à désamorcer une affaire qui risque de prendre des proportions considérables. D’autant qu’Eric Woerth aurait entretenu des relations de même nature avec d’autres représentants de l’oligarchie française.
C’est dans ce climat délétère que le président français vient de prendre des mesures de réduction du train de vie de l’Etat, comme la suppression de la garden-party de l’Elysée ou des chasses présidentielles, plus anecdotiques que réellement effectives du point de vue des équilibres budgétaires.
La collusion de leurs élites politiques avec les grandes fortunes et le haut patronat inquiète tant les éditorialistes que la population, qui y voient une atteinte grave à l’éthique républicaine. En douce France, la crise n’est plus seulement économique.
30 juin 2010
Contributions