La vie est comme un bateau sur une mer parfois calme, parfois houleuse. K. voulait que son roman soit une simple planche de bois au départ. Il voulait aussi, que les autres parties du bateau soient construites au fur et à mesure du voyage. Maloula, le roman de Kheïredine Ameyar, sort dix années après la disparition du journaliste.
Kheïredine Ameyar prend sa plume et se met à écrire. Le titre du roman est déjà trouvé : Maloula. C’est, d’ailleurs, le titre de son premier chapitre. «La vie de K. changea au détour d’une route. L’axe Alep-Damas, voie d’échanges rapide et aujourd’hui ultramoderne, est l’une des grandes routes de l’Histoire…», écrit-il. Le chauffeur de la vieille Mercedes quitta brusquement le bitume pour s’engouffrer dans une piste pierreuse, soulevant un nuage de poussière. K. (Kheïredine ?), soudain, voit quelque chose d’incroyable. «La faille était là. K. fut saisi d’une intense émotion, un éréthisme psychique qui le tétanisa rapidement (…). Elle existait donc bel et bien cette faille, que cent et cent fois il avait dessinée dans son imagination, qu’il avait vue jour et nuit.» Kheïredine Ameyar en arrivant à la page douze de son récit (non linéaire) écrit : «Cette faille devait, aurait dû, être le lien unique du roman qu’il ne cessait d’écrire depuis trois ans, depuis ce fameux 22 juillet 1973 où, après avoir atteint ce qui lui avait semblé les limites de la descente, il avait décidé de tout laisser tomber.» Et plus loin : «Il voulait que ce livre fût le contraire d’un bateau construit dans les chantiers, inauguré et consacré et, enfin, mis à l’eau et embarqué par son équipage et son capitaine. Non, au fond de sa détresse, il voulait que ce bateau-là, simple planche de bois, fût construit au fur et à mesure du voyage». K. (comme Monsieur K. du roman «Le procès» de Kafka) est un journaliste algérien. Il est, donc, en mission en Syrie. Mais avant d’arriver à Damas, il se trouve à Maloula, un endroit bien étrange. Selon la tradition, la montagne se fendit en deux pour créer un passage permettant à Mar Taqla d’échapper à ses poursuivants, les soldats romains. Ce corridor est tellement étroit, que deux mulets chargés ne peuvent pas l’emprunter en même temps. Dans cette région, on parle toujours l’araméen, une langue parlée au Moyen-Orient il y a 2 000 ans. Le chapitre suivant est intitulé «Hamidou». Là, l’auteur écrit à la première personne du singulier. «Je m’appelle Hamidou et, bien malgré moi, je suis l’ami de K. depuis toujours, c’est-à-dire depuis que je m’en souviens et aussi loin que remontent mes souvenirs. Nés tous les deux à La Casbah quelques mois après que l’Allemagne eut été battue par les alliées.» Le chapitre 3 «Mamma» est une autre pièce du puzzle. Mamma s’appelle Biyouna et est la femme du vieil Abraz qui en 1830 avait 92 ans. L’histoire dans «L’arbre centenaire », le chapitre qui suit, se déroule elle aussi en 1830, mais en avril, quelques mois avant le débarquement français. Les deux chapitres suivants portent, respectivement, les titres de «Hami» et de «Sekoura». Le premier ressemble à un conte fantastique. Sekoura est le nom de la mère du narrateur, qui lui-même s’est présenté ainsi à des étrangers arrivés au village : «Je suis Belkacem Ou El- Hocine, mon père est El-Hocine, l’amghar de nos tribus, les grandes et fières nations des Iflissen et j’ai dix ans depuis la saison de la cueillette des figues car c’est ainsi que nous nommons l’automne.» Le septième est dernier chapitre est intitulé «La conquête d’Alger». Kheïredine Ameyar arrive au dernier paragraphe : «Le khaznadji, Ibrahim, le gendre de Hussein, qui s’était déjà conduit de manière scandaleuse à Staouéli, commandait le fort depuis le repli désespéré des troupes algériennes des côtes ouest où avait eu lieu le débarquement français deux semaines plus tôt (lors de la destruction de FE, parler de la fumée de laine)…» Ameyar pose sa plume, mais il n’achèvera jamais son roman. La dernière phrase, celle entre parenthèses, fait partie des notes et remarques qu’écrivait l’auteur dans l’objectif d’y revenir plus tard et les initiales «FE» signifient le Fort de l’Empereur. D’ailleurs, tout au long du roman, nous trouvons des notes de ce genre comme à la page 34 où il écrit le mot «rafale» puis, entre parenthèses : «à enlever à rechercher le terme de l’époque, car nous retournons en 1830». «Maloula», du moins, sa partie achevée, est comparable à une grande fresque historique, genre Samarcande d’Amin Maalouf, tandis que le chapitre intitulé «Hami» nous fait penser à l’atmosphère particulière dans Cent ans de solitudede Gabriel Garcia Marquez. Ce roman de 112 pages a été édité le 09 juin 2010 pour la commémoration des dix ans de la disparition de Kheïredine Ameyar, ancien directeur de la publication et membre fondateur du quotidien La Tribune. Il est comme un puzzle dont certaines pièces sont perdues pour toujours. Ce Roman inachevé de Kheïredine Ameyar est, désormais, comme la Symphonie inachevée de Franz Schubert.
Kader B.
- Maloula, roman inachevé de Kheïredine Ameyar (édition Pixal Communication).
Imprimé par Mauguin à Blida. 112 pages. Année 2010.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/06/30/article.php?sid=102304&cid=16
30 juin 2010
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