S’il fallait juger Rabah Saâdane sur le contrat qu’il a passé avec la FAF au moment de prendre en charge l’équipe nationale, il y a deux ans, il aurait droit à tous les éloges. Il serait même raisonnable de lui ériger une statue, et de le consacrer définitivement comme le « cheikh» qui a réussi l’exploit de bâtir une équipe compétitive en très peu de temps.
Mais s’il faut le juger par rapport aux formidables attentes que l’équipe nationale a suscitées au sein de l’opinion, Saâdane serait certainement très critiqué. Il lui serait reproché d’avoir bridé une équipe, d’avoir commis des erreurs de débutant qui ont coûté à l’équipe nationale des résultats très mitigés.
Quelques rappels d’abord. Lors de sa nomination pour diriger l’équipe nationale, Saâdane avait déclaré que «la Coupe du monde n’est pas un objectif». Ses mots ne laissent place à aucune ambiguïté. La FAF l’avait désigné pour assurer la qualification en Coupe d’Afrique des nations, non pour disputer une Coupe du monde. C’est dire que l’équipe nationale était au fond du trou il y a deux ans : aller à la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations apparaissait alors comme un objectif très important ! Il est vrai que Saâdane partait de zéro. L’équipe nationale avait vécu plusieurs naufrages, en vivotant dans un système de compétition et d’organisation primaires.
Mais le potentiel était là. Il suffisait seulement de le mettre en ordre de bataille pour atteindre un certain niveau. Saâdane l’a très bien compris. Dès le départ, il a fait le bon choix : il est sorti des vieilles pistes qui menaient à l’échec. Au lieu de chercher désespérément des joueurs au sein d’un championnat faussé par les combines et le bricolage, il a opté pour des joueurs évoluant dans des championnats compétitifs. Le résultat a été immédiat. Non seulement l’équipe nationale se qualifiait pour la Coupe d’Afrique, mais elle offrait un immense cadeau au pays en se qualifiant pour la Coupe du monde. Saâdane devenait un héros national.
Malheureusement pour lui, la foule n’a pas de mémoire. Elle se contente du moment présent. Elle se fixe sur des éléments irrationnels. Elle veut que son équipe gagne tout et tout de suite. Elle ne peut comprendre qu’un entraîneur puisse être pragmatique, méthodique, et envisager la progression de son équipe sur dix ans. Le résultat est étrange. Le héros national de Khartoum ne fait plus l’unanimité. Il est même décrié par certains cercles qui veulent imposer leur candidat.
Mais dans le même temps, il n’y a pas de vrai consensus pour demander son départ. On ne sait ce que réserve l’inconnu. Et Saâdane est si rassurant ! Il est tellement rassurant que lui-même ne sait pas vraiment s’il a envie de rester ou non. Certes, il a laissé entendre qu’il voulait raccrocher, mais il paraît évident que l’homme ne demande qu’à se laisser convaincre. Il suffit visiblement d’insister pour qu’il reste. Il a juste besoin de se faire prier. C’est sa nature. Il ne sait pas dire non. Il accepte tout. Il est prêt à faire beaucoup de sacrifices pour l’équipe nationale. Y compris s’accrocher à ce poste qui lui a offert gloire et fortune. Son ami, Hadj Mohamed Raouraoua, le sait.
De plus, Saâdane sait qu’il peut manœuvrer. Son équipe a une marge de progression importante. La qualification pour la prochaine Coupe d’Afrique ne semble pas poser de problème. Il peut même déclarer que la Coupe d’Afrique est une étape test, et non l’objectif final. Celui-ci est plus élevé. Il faudra se qualifier pour le Brésil, en 2014, et faire en sorte que l’équipe nationale puisse obtenir au moins trois points en phase finale de Coupe du monde. En deçà, ce sera un échec. Mais 2014, c’est si loin !
29 juin 2010
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