One, two, three, viva l’Algérie : le mot harraga est entré dans le Petit Larousse 2011. Etre dans le dico, tu te rends compte ! C’est la revanche des gueux ! N’est-ce pas une victoire ? C’en est une, pour sûr, mais sur qui, sur quoi… Il y a quelques mois, un certain président, d’un certain pays grand fournisseur de harraga devant l’Eternel, faisait part à ses vizirs de son irritation devant ce mot qui condense un échec.
Personne et rien ne nous dit si cette aversion pour ce vocable abrasif est justifiée par son extraction populaire, donc vulgaire, ou pour d’autres raisons… Le fait est donc que le vocable paria se trouve d’une certaine manière anobli. Dire harraga à dater de son insertion dans le saint des saints de la langue française, c’est désormais parler comme un bouquin ou, mieux encore, comme un académicien. Quand tu traites tes copains de harraga, tu parles un français académique. Bravo, les clandés ! Je ne sais pas si ce sont des harraga ou pas, mais les types qui ont brûlé des bagnoles à proximité du stade Charlety, à Paris, en France, le lendemain du match Algérie- USA, sont de véritables têtes… brûlées. N’avaient-ils rien d’autre à faire, parbleu ? Tu gagnes, ils brûlent, tu perds, ils cassent ! C’est quoi, ça, franchement ? Ça obéit à quelle logique ? Personne ne le sait. D’ailleurs personne ne sait qui ils sont, ces pyroterminators. J’ai entendu sur une radio un jeune beur lucide – si, si, ça existe — faire l’observation suivante : ni en Afrique du Sud où s’est joué le match, ni en Algérie, il n’y a eu de casse. Ce qui mène à présumer innocents de ces déprédations les supporters algériens. Touché itou par la paranoïa ambiante, il va jusqu’à se demander s’il n’y a pas des «forces occultes» (voilà un autre vocable, made in Algeria comme Deglet Nour ou harraga) qui envoient ces casseurs discréditer nous autres et attiser le fossé avec les autres. C’est un peu fort de café, j’en conviens, mais ça ne l’est pas forcément plus que les bruits qui courent dans les banlieues françaises selon lesquels les «joueurs maghrébins ont été écartés systématiquement de l’Equipe de France parce qu’ils sont maghrébins». Le paradoxe, intéressant, a voulu que ce soit Eric Besson, père de l’identité nationale, steward en chef dans les aéronefs qui transportent les expulsés compulsés, qui releva cette anomalie. Mais que seraient les Bleus sans les Benzema and co ? Eh bien, on s’en est aperçu… Le petit jeune beur en colère a encore laissé entendre que la triplette maghrébine de l’équipe de France (traduire Benzema, Nasri, Ben Arfa) n’a pas été retenue au prétexte que ces joueurs seraient «ingérables». Nul ne nous dit s’ils sont plus «ingérables» que leurs compères qui ont inventé la grève des crampons en Coupe du monde. On ne perd rien, ni ne gagne d’ailleurs, à parier que les «ingérables » auraient joué de bon cœur sous le maillot français et, ajouté à cet honneur, leur talent aurait peut-être infléchi le destin.
Chapitre interrogation, on se demande ce que ces trois-là, en dehors du fait d’être d’origine maghrébine, peuvent avoir de commun dans «l’ingérable». Sauf à considérer que ce qui est ingérable, c’est qu’ils soient justement maghrébins. Je te vois sourire d’ironie, mais «j’te jure sur la tête du Coran que c’est la vraie vérité». Si les Bleus nous ont rendus rouges de honte, heureusement que les Verts nous ont rosis de satisfaction. Voilà une équipe de bleus – je veux dire de débutants en parlant des Verts —, donnée vaincue au premier coup de manivelle, qui contribue à tourner contre de grosses machines comme l’Angleterre, puis les Etats- Unis. Vraiment de quoi être fiers. Ils ont même par moments volé la vedette. Petit message perso à Saâdane. C’est bien d’avoir mené cette équipe aussi loin, on ne va pas faire la fine bouche, mais la prochaine fois, mieux vaut prévoir des buteurs. On vient de me dire que le but du foot, c’est de marquer des buts. Ce serait sûrement «plus mieux» comme dit mon pote Falsaf, le plus fidèle supporter de l’équipe nationale, après l’entraîneur de l’équipe égyptienne, ça va de soi! La déconfiture des Bleus et la confiture des Verts s’étalent naturellement à satiété sur le Web. Ça fait de sacrés buzz. Quand j’ai prononcé ce mot anglais devant un puriste de la langue française, il s’est écrié qu’il fallait désormais utiliser le mot français idoine. Je te le donne en mille. Buzz se dit en français ramdam. Harraga, ramdam, bientôt en parlant algérois, on risque de décrocher un prix de littérature française. Revenons aux mots importés des langues étrangères ! Je me suis dit en entendant les nôtres crier «One, two, three», à partir des tribunes, lors du match contre l’Angleterre puis contre les Etats- Unis, deux pays anglophones que les joueurs de ces pays pourraient croire que c’est pour eux. Mais non, camarades anglais et yankees, prononcés avec notre accent, ça devient de l’arabe, votre langue, voyons ! Ça risque même de revenir en Europe après avoir transité par nos galeries et, qui sait, entrer dans le dictionnaire par une autre porte.
Par Arezki Metref arezkimetref@free.fr
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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/06/27/article.php?sid=102130&cid=8
27 juin 2010
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