Après nous avoir restitué le passeport, le drapeau, la rue (interdite par l’Etat d’urgence), le nez et les deux pieds, il est demandé à l’équipe nationale de foot de libérer la Palestine aujourd’hui, de venger la pendaison de Saddam et de refaire en mieux les fausses guerres nassériennes
contre Israël. Bien sûr, en ce qui concerne la seconde tranche, ce n’est pas le peuple qui le demande mais seulement les courtiers du panarabisme. Car dans le tas, c’est un peu ridicule de demander à une équipe de foot de faire avec un ballon ce que les pays «arabes» n’arrivent pas à faire avec leur pétrole, leurs décolonisations et leurs bouches que ne referme que la terre de la tombe. Les «nôtres» joueront demain au foot et pas à la guerre. Bien sûr, il reste honorable d’en profiter pour médiatiser le drame de Gaza et rappeler le sens humain de la Justice car l’audience sera énorme. Bien sûr qu’il le faut, mais sans verser dans cette caricature de contre-croisade. L’honneur des «arabes» ce n’est pas à nous de le ramener pour tous, c’est l’honneur de notre pays qui nous importe. D’ailleurs, à force d’être poli, le chroniqueur a fini par se lézarder : qui est ce baathiste analogique qui nous a inventé ce slogan d’«une équipe algérienne représentant des arabes» ? Quand on a souffert des massacres de la décennie 90, nous n’étions pas des «arabes» mais des Algériens. Quand il s’agissait d’être juste lors de la campagne médiatique haineuse des ex-Egyptiens, les «arabes» se sont contentés de sourire et d’appeler à la réserve. En quoi sommes-nous «représentants des arabes» ? En rien. Ce rôle alimentaire du courtier identitaire régional, laissons-le à l’ex-Egypte : elle s’en nourrit et achète son pain avec cette danse des hanches. Pour nous, la théorie de l’origine «arabe» est à déposer sur la route pour continuer plus légers son propre chemin. Notre EN nous représente nous, pas les «arabes». Notre EN peut faire la joie des Syriens, des Libanais, des Maliens ou des Irakiens, mais basta de cet empire «arabe» qui ne veut pas mourir dignement et décoloniser les identités qu’il a longtemps soumis. Car si aujourd’hui, c’est notre défaite, nous n’aurons la condoléance sportive de personne, mais si on gagne, «l’honneur» sera déclaré curieusement propriété collective. Que non ! C’est notre équipe, notre joie et notre drapeau et que ceux qui veulent partager notre joie ou notre déception viennent à nous sans nous demander de signer des certificats de paternité abusive. Notre épopée au Royaume de Mandela, n’est pas celle du MAK de Mehenni, ni des berbéristes, ni des Touaregs nihilistes ou des Tlemceniens au régionalisme individuel: elle est algérienne, comme son drapeau et ses supporters. Le but est de marquer un but, pas de l’offrir aux «arabes», ni de faire ce que les voisins de la Palestine n’ont pas réussi.
A Oum Dourmane, nous avons compris qui nous sommes et qui sont les autres. L’Algériannité nous a permis d’être en Afrique du Sud aujourd’hui sous les insultes des «faux frères». «L’arabité» ? Elle a permis aux ex-Egyptiens de récupérer leur Sinaï et nous a coûté, à nous, une régression vers des origines qui ne sont pas les nôtres. On n’en veut pas. Ni dans les écoles, ni dans les stades, ni dans les télés. La Palestine ? Oui, nous l’aiderons à être la Palestine et naître un jour au nom de la justice, pas au nom de l’ex-Egypte ni au nom de «l’arabité». D’ailleurs, ces temps-ci, il vaut mieux se proclamer Turc si on veut s’offrir le caprice d’une double nationalité imaginaire. «L’EN algérienne unique représentant des Algériens et des Turcs» ? Oui, ça a plus de prestige. Même en cas d’échec.
23 juin 2010
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