La République française est en péril ! Tous les journaux multiplient les «unes» sur les péripéties tragicomiques traversées par les Bleus. Les télévisions multiplient les débats passionnés autour de l’expulsion de Nicolas Anelka pour avoir proféré des injures dans l’intimité d’un vestiaire à l’endroit du sélectionneur et de la «grève» de l’entraînement, décidée par solidarité par ses camarades de l’équipe de football française.
C’est un fait unique, il est vrai, dans les annales d’un sport spectacle qui en a pourtant vu d’autres. Dans un contexte de crise économique et de déconsidération palpable des élites politiques, capables d’employer publiquement des expressions tout aussi vulgaires que celle reprochée au malheureux Anelka, l’occasion est vraiment trop belle ! Et dans une belle unanimité, les médias et leurs idéologues de service tentent de ne pas la laisser échapper.
A la suite d’une «une» ordurière d’un quotidien «sportif» digne du pire des tabloïds anglais, un déluge de commentaires a submergé l’opinion. Ce concert de proclamations indignées et d’analyses de comptoir est aussi un défoulement «décomplexé» de pulsions racistes.
A l’image du «philosophe» – à Paris, ceux qui enseignent cette matière sont considérés comme tels – Finkielkraut, connu pour son islamophobie et sa négrophobie, qui surenchérit dans l’injure raciste en toute impunité. Le visage grimaçant de la régression des élites françaises, il s’en prend aux cités de banlieue, d’où sont originaires la majorité des footballeurs français, sur un registre que ne renieraient pas les défenseurs de l’apartheid. Sans grand risque, ce militant communautariste fanatisé libère sa haine et peut se permettre de traiter de «voyous» des joueurs issus des ghettos républicains. Il pourra toujours se réfugier derrière le racisme officiel qui permet à un ministre de déclarer à propos des Français d’origine maghrébine que «quand il y a un ça va, c’est quand ils sont nombreux ».
Heureusement, à cet égard, qu’il n’y ait pas de beurs – même si certains sont de bien meilleurs joueurs que ceux sélectionnés – dans cette équipe de France
L’importance démesurée donnée à ces événements masque opportunément les mesures de rigueur d’une implacable sévérité. Des mesures qui ne font pas la une des journaux mais qui sont rapportées par le Financial Times. Il vaut mieux entonner en chœur, sans crainte du ridicule, le hallali contre des joueurs noirs qui ne chantent pas l’hymne national et déplorer leurs salaires, alors que les catégories les plus riches du pays, celles qui gagnent des «millions en dormant», ne sont pas montrées du doigt, même quand elles ont pour employées des épouses de ministres.
Le haro sur les joueurs «racaille des cités» permet dans ce même mouvement de blanchir un sélectionneur peu probant installé et maintenu en dépit du bon sens par une fédération dirigée par des caciques incompétents. Les Français ne méritent vraiment pas ce traitement.
On a tendance à l’oublier dans ces paroxysmes de passions, mais le football n’est qu’un jeu. Cependant, en tout état de cause, comment ne pas espérer que les Fennecs obtiennent le meilleur résultat face à la redoutable équipe américaine. Une victoire serait un bonheur. Pour les amateurs du ballon rond et au-delà, et en hommage à l’immense Mahmoud Darwich, «Les grandes métropoles s’affligent quand le camp de réfugiés sourit».
Assurément, Ghaza sourira à une victoire des Verts.
23 juin 2010
Contributions