On ne peut sceller la jubilation des supporters des Verts au spectacle vaudevillesque qu’offre l’équipe de France suite à ses piètres prestations en Coupe du monde. Elle n’est après tout que la réponse du berger à la bergère.
Les Algériens ont en effet toutes les raisons de jubiler et se gausser des déboires du onze français. Pourquoi se comporteraient-ils autrement au vu de ce qu’une certaine presse française a déversé d’inepties et d’insanités sur les joueurs et l’entraîneur algériens après l’entrée en scène ratée des Verts face à la Slovénie ? La gluante condescendance qui a dégouliné des commentaires consacrés par la presse et les médias hexagonaux à leur égard ne plaide pas, côté de l’opinion algérienne, pour l’apitoiement à la bérézina des Bleus.
Cela étant dit, tous les ingrédients d’un scénario à l’identique de celui que vit l’équipe française étaient réunis dans le camp algérien, n’eût été le sursaut d’orgueil des Verts qui leur a permis de se réhabiliter magistralement aux yeux de leurs supporters et de l’opinion algérienne. Il ne fait aucun doute qu’une défaite contre l’Angleterre aurait provoqué l’implosion du groupe de Saâdane et la mise au banc des accusés de celui-ci et de certains joueurs. Tout comme ceux de la Fédération française de football, les dirigeants de la FAF se seraient empressés de se trouver des boucs émissaires.
Pour en revenir au lynchage dont fait l’objet l’équipe de France, il y a dans ses motivations autre chose que la déception et le dépit provoqués par ses calamiteuses prestations. A lire ou à entendre certains commentaires de journalistes ou d’hommes politiques, il apparaît clairement que c’est le mythe d’un onze national français black-blanc-beur, tel qu’il est chanté depuis sa victoire en Coupe du monde en 1998, auquel ces commentaires s’attaquent sans retenue.
La défaite, le comportement contestable de joueurs emblématiques de ce mythe et le contexte politico-électoral français a rendu politiquement correcte la charge au racisme prégnant dont fait l’objet dans l’Hexagone l’équipe menée par Raymond Domenech.
Il n’est pas anodin que ce sont certains joueurs qui focalisent la vindicte cocoricante. Ils ont le profil de ce qu’une France de plus en plus franchement «lepénisée» dans ses haines et phobies déteste. D’être issus de ces banlieues dont elle abhorre les révoltes sociales, d’être noirs ou musulmans. La chose ne s’exprime pas brutalement, elle est toute en allusions et sous-entendus moralisants.
Marie Le Pen doit en tout cas savourer la tournure prise par les tribulations des Bleus et l’intonation des déclarations qu’elles suscitent. C’est tout bénéfice pour le courant xénophobe et raciste dont elle est la chef de fil avec son «papa». Autant que cela fait l’affaire de la droite sarkozyste qui a visiblement renoncé à sa posture «humaniste et intégrationniste» pour camper sur des positions franchouillardes au racisme non moins révoltant.
Puis enfin «last but not least» : quoi de plus opportunément bienvenu pour les politiques au pouvoir en France que cette controverse footballistique occasionnée par la dérive des Bleus au Mondial à un moment où pointe en France un vaste mouvement de protestation sociale contre la crise économique qui frappe le pays et les réformes qu’ils sont en train de mettre en œuvre pour y faire face.
22 juin 2010
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