Deux jours vides à remplir avec des bancs publics ou des pronostics ou une collection de cheveux. Même la mort d’un général français coupable d’avoir torturé des Algériens n’intéresse personne. Pas même l’association nationale de demande d’excuses françaises. La vie continue pourtant, mais encore plus en Afrique du Sud. Après avoir décroché un zéro national d’honneur
contre les Anglais, les enfants algériens de Williams Wallace vont donc se diriger vers Pretoria pour libérer l’Irak, faire manger Ghaza et aller en 2ème tour. Le but est déjà atteint cependant. Surtout pour les 4 000 Algériens qui ont fait le voyage vers le bout du monde et qui ont découvert que les girafes ne sont pas acteurs de documentaires, que le bout de la terre est le début de la vie et que beaucoup de gens aiment leur pays, contrairement à nous, et le suivent loin quand il va chercher de l’eau ou des routes. Ces supporters venus de partout où l’Algérie a les moyens d’exister et de respirer font spectacle. On les cherche dans les chaînes TV étrangères et sur Internet, on en suit leurs nouvelles plus que celles des joueurs et on aime leurs photos comme si elles prouvaient que la vie existe ailleurs. Pourquoi ? Parce que justement c’est la preuve que la vie existe ailleurs et pas seulement celle des autres : la vie, la nôtre. C’est un beau pays national que l’on voit dans les gradins et les bus de l’Afrique du Sud quand il s’agit des « nôtres », une sorte de peuple sans mal, amoureux de lui-même, habillé dans une sorte de folie que ne permet pas ici la religion ou le regard de la collectivité, chantant et marchant dans les rues comme ne le permettent pas l’Etat d’urgence, la police, les « services » ou la peur et la neurasthénie, voyageant sans peur des radars ou des faux barrages et criant comme de nouveau-nés avec des moustaches. Un pays jeune, heureux, naïf, en apesanteur et fixant des yeux le même endroit et pas chacun sa propre porte. Une sorte de photo d’identité des premières minutes de l’indépendance peut-être. Un peuple jeune aussi : seuls les nations dont le pain n’est plus un aliment de base envoient des vieux et des vieilles voir des matchs et des girafes et regarder Mandela ou leurs propres joueurs. Nos vieux à nous restent chez nous, tout près des ancêtres et des mosquées. A un certain âge, chez nous, on ne dépense 20 millions de centimes que pour se rapprocher de Dieu ou de la tombe, pas du monde et des girafes. Donc c’est ce peuple de 4 000 Algériens qui nous fascine et dont on se raconte les anecdotes imaginaires et les épopées par bus, à travers un pays qu’on n’a jamais vu que par télévision et où nous habitons déjà depuis des semaines. Quel score contre les USA ? 4 000 contre zéro.
21 juin 2010
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