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Bigeard, le jour du vert et de Mbolhi le 20 Juin, 2010 |

21 juin 2010

Contributions

Ce fut donc le jour où parut la chronique intitulée «La dernière bataille d’Alger», le jour du match Angleterre- Algérie, celui où les nôtres étaient censés porter le souvenir d’Ali la Pointe et de P’tit Omar, le jour de Mbolhi, de Cape Town et du Green Point Stadium, ce fut ce jour où l’on pariait que Capello ne saurait être plus fort que le général Bigeard et Jamie Carragher plus redoutable que Massu, le jour où l’on évoqua son crime, le pilonnage de la maison de La Casbah, la maison du 5, rue des Abderames, puis la torture, le supplice de la baignoire, la gégène, un «mal nécessaire », disait-il… Ce fut ce jour-là, le jour d’un triomphe algérien, que mourut Bigeard.


Je crois bien qu’il est mort d’un tir de Ziani, à moins que cela ne fut d’un canon de Yebda ou d’une percée de Nadir Belhadj, fils d’un rêve inachevé, d’une patrie blessée, Ziani, né à Sèvres, Yebda, enfant de Saint-Maurice dans le Val-de-Marne, gamins de cette France que le général disait ne plus reconnaître, «Tu n’es plus celle que j’ai connue, écrivait-il avant sa mort, le pays du respect des valeurs, de l’hymne et du drapeau, le pays de la fierté d’être français, adieu ma France…» Bigeard est mort le jour du match Angleterre-Algérie où les nôtres étaient censés porter le souvenir d’Ali la Pointe et de P’tit Omar, le jour de Mbolhi, le jour où l’on pariait que Capello ne saurait être plus fort que le général Bigeard, le jour-anniversaire de l’appel du 18 Juin 1940, depuis Londres, quand le général de Gaulle invita les Français à la résistance, à refuser la défaite et à combattre l’Allemagne nazie ; le jour où l’on se rappela qu’il y a les indigènes pour ça, les grands parents de Antar Yahia, il y a cette chair noire et basanée qui brûlera autour des champs de bataille, pour l’honneur de la France, les tirailleurs tunisiens de la division d’infanterie algérienne, les goumiers du groupement de tabors marocains… Ces hommes qui ne sauront jamais si, à défaut de mourir pour leur propre liberté, ils allaient mourir du bon côté et qui tremblaient de peur, la peur d’être des morts qui auront toujours tort car, après leur mort, il n’y aura pas quelqu’un pour les défendre. Les grands-pères de Yebda, de Ziani, 70 ans avant le match de Cape Town et du Green Point Stadium, entre les chars qui brûlaient, de bourg en bourg, de corps en corps, entre les escadrilles américaines et les blindés allemands. «Allahou Akbar !» C’était le soldat Djilali ! L’indigène Djilali. Mort au hameau de Ponthouin. Loin de son village du Khroub. Pour quelle cause ? Il ne savait pas. Un indigène, ça reste l’indécrottable «type enchaîné qui se bat pour libérer les uns et les autres» et qui ne sait jamais rien. Djilali, en tout cas, ne savait pas. Ou peut-être rêvait-il en résigné : mourir pour les enfants, seulement pour les enfants ! Pour un monde libéré et sans doute oublieux, oublieux mais libéré, beau, insouciant et qui n’aura rien su de ses soldats indigènes. «One, twoo, three, viva l’Algérie !»… Qu’importe la gloire ! De toute façon, le soldat Djilali est mort en anonyme, en banal morceau de chair noire et basanée comme toutes celles qui brûlent, depuis un siècle, autour des champs de bataille. Anonyme, pas en héros, les indigènes ne meurent jamais en héros dans la guerre des autres. Djilali, mort inconnu, au hameau de Ponthouin, comme Lakhdar de Bou-Saâda, mort il y a soixante-dix ans «sous leur neige de merde», dans les bras de Belaïd, en vague martyr dont on oubliera le nom écrit en petit sur une pierre tombale.
«One, twoo, three, viva l’Algérie !»
Bigeard est mort le jour du match Angleterre-Algérie où les nôtres étaient censés porter le souvenir d’Ali la Pointe et de P’tit Omar, le jour de Mbolhi, le jour où l’on pariait que Capello ne saurait être plus fort que le général Bigeard, le jour-anniversaire de l’appel du 18 Juin 1940, soixante-dix ans avant Cape Town et le Green Point Stadium, quand on se disait que dans la France, enfin délivrée, il y aura à rire et à danser pour tout le monde. Oui, pour tout le monde, se disait-on, puisque le monstre nazi était notre tourment à tous, qu’il avait coûté du sang indigène pour le terrasser et qu’à bien y réfléchir, cette guerre avait fait du maître et du métayer deux créatures à peu près semblables. L’humiliation d’avoir été occupés puis asservis tous les deux, était, pensions-nous, le plus court chemin vers l’égalité, vers la fraternité. C’était avant ce mardi 8 mai, jour de marché à Sétif. Une manifestation pacifique à Sétif le jour où l’Allemagne capitulait. En tête du cortège, les écoliers et les scouts noyés sous les drapeaux français, américain, britannique et soviétique. Eh quoi, on fête la victoire des Alliés ! Mais il y avait Aïssa… Il est grand et il traverse la rue de Constantine avec un étrange drapeau, vert et blanc. Que vient faire ce drapeau vert et blanc ? «Sales Arabes ! On va vous montrer qui est le maître ici !»
Ils ont tiré
Le jour où la France dansait
Le jour où Colbert, après Sétif et Kherrata, ne fut plus qu’un vaste cimetière, Oradour-sur-Oued, oued de sang, quand de l’église de la Sainte-Croix descendit une rivière pourpre, le long des forges, vers le café Santo, rasant les maisonnettes blanches aux toits de tuiles rouges, sous le parfum des lilas, des rosiers et des jasmins, formant de premières flaques sous les mûriers et les micocouliers puis de secondes devant les taudis où agonisaient des familles affamées. Bigeard est mort le jour du match Angleterre-Algérie où les nôtres étaient censés porter le souvenir d’Ali la Pointe et de P’tit Omar, le jour de Mbolhi, le jour où l’on pariait que Capello ne saurait être plus fort que le général Bigeard, un 18 juin de l’année 2010 où l’on sortit pavoiser comme en 1962, dans ce qui sera appelé plus tard, l’indépendance, à la fin d’une guerre magnifiée qui eut lieu dans l’exubérance et la duplicité, dans l’enthousiasme et les fourberies ; l’indépendance où nous n’avons pas cessé d’espérer pour nos enfants ce que nos pères avaient espéré pour nous, ce que le temps nous refusait alors, ce qu’il nous refuse toujours, un demi-siècle plus tard, quarante-huit ans avant Cape Town et le Green Point Stadium, quand on se disait que dans l’Algérie, enfin délivrée, il y aura à rire et à danser pour tout le monde. Oui, pour tout le monde, se disait-on, puisque le monstre colonial était notre tourment à tous, qu’il avait coûté du sang indigène pour le terrasser et qu’à bien y réfléchir, cette guerre avait fait du maître et du métayer deux créatures à peu près semblables.
Comment défendre le drapeau vert face à Peter Crouch et Frank Lampard ? Peter Crouch, un demi-siècle après Bigeard, une éternité après Hassiba Ben Bouali…
Hassiba, dans quelle éternité as-tu existé ?
Même Sidi Ramdane a oublié…
Qu’ai-je à dire à cette foule orpheline
Vêtue de tes serments, et qui crie aujourd’hui, écoute bien, «One, twoo, three, viva l’Algérie…
Le match est fini. Nous avons résisté à l’Angleterre.
Crouch n’a pas marqué.
Bigeard est mort.
Un monde s’en va. Le malaise persiste.
Après la Coupe du monde, quelqu’un interrogera le sable : suffisait- il de libérer la patrie de ses occupants, sans la délivrer de ses ravisseurs ?
M. B.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/06/20/article.php?sid=101820&cid=47

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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