C’est vraiment beau, un match contre l’Angleterre qu’on n’a pas perdu ! Sérieux, j’t’jure ! On nous avait donnés dare-dare cornaqués comme pas deux, eh bien, tu vois ! Tous les «spécialistes », les «consultants» and co faisaient circuler, solennels, doctes, péremptoires, définitifs, ce constat post mortem
un peu hâtif pour qui n’a pas vu le patient : «Aucun pays africain n’a jamais vaincu l’Angleterre sur un terrain de foot».
Entends : ce n’est pas l’Algérie qui va commencer. Avec ce match d’une grande qualité sportive, voire artistique, l’Algérie a commencé à commencer, si je peux oser… En passant, je voudrais signaler aux correcteurs que le double démarrage n’est pas une faute, mais une option comme les vitres électriques ou l’airbag… Mais là, je dois être sacrément en retard, comme en foot, d’ailleurs où je suis resté bloqué sur la victoire sur l’Allemagne en 1982… Bref, touche donc pas à la répétition ! L’aveu que je te fais sous serment est le suivant : j’ai eu non seulement du plaisir à regarder le match mais j’ai même ressenti une certaine fierté à voir nos garçons aussi talentueux, vaillants, combatifs, ne lâchant pas la grappe aux autres… J’étais de ceux qui croyaient que les joueurs de Sa Majesté — qui sont tombés dedans quand ils étaient petits, étant donné que ce sont leurs aïeux qui ont inventé ce drôle de sport —, ne feraient qu’une bouchée de pudding des gueux qui nous représentent sur les pelouses sud-africaines ! Les sirs du ciré n’ont qu’à aller se rhabiller de leur queue de pie ! Avec leurs savates et un cœur gros comme la cathédrale de Westminster, nos jeunes ont apporté la preuve que le foot est imprévisible car la variable d’ajustement qui permettrait de tomber pile poil sur le résultat est justement trop variable ! De la maestria quelque peu malicieuse avec laquelle les poulains de Saâdane ont mené dès la première minute leurs raids aussi élégants que des ballets ou de la stupeur qui a frappé les joueurs anglais devant un jeu aussi exotique que dangereux pour eux, je ne sais ce qui était le plus amusant. J’ai dégusté autant l’un que l’autre. David prenant de vitesse Goliath abîmé dans la stupéfaction, c’est un spectacle hautement philosophique ! Les mêmes spécialistes se sont penchés sur ce qui a paralysé l’équipe d’Angleterre. Ils en sont arrivés à peu près tous à la même implacable conclusion. Les boys étaient comme absents. On aurait cru que les footeux du bord de la Tamise ne jouaient pas au ballon. Ils se regardaient le suivre. Normal après ça qu’ils se fassent dominer par nos joueurs qui avaient l’air frais comme des gardons, et pas que l’air. Quand j’ai dit à mon voisin devant l’écran télé que si j’avais été journaliste sportif j’aurais titré un compte-rendu de ce match comme suit : «Les Fennecs se sont battus comme des lions» il m’a répondu que je dois être en zoologie aussi nul que le match que voilà pour apparenter de quelque manière que ce soit fennec et lion. Quoi encore ? J’ai eu beau protester que c’est la force de l’image qui compte, il refusa ma trouvaille de génie. Du reste, en cherchant bien, je suis sûr qu’on dénichera un confrère qui a reçu la même inspiration que moi. C’est qu’on se sera aux mêmes astres connectés à la même heure ! Une fois réglée cette question, une autre s’est posée, plus difficile. Quelles sont les raisons qui ont motivé laoulad pour se battre aussi vaillamment ? Avec tous les présents, nous organisâmes un brainstorming, tu sais ce truc désigné par mot anglais qui consiste à dire n’importe quoi sachant que l’idée de génie se niche entre les déchets d’idées. Chacun de nous essaya de résumer une ou plusieurs raisons qui auraient pu faire mouvoir nos joueurs. Tout y passa, et le reste : on leur remontre ; nous, c’est l’Algérie et le drapeau, les martyrs ; les descendants immédiats de l’EN de 1982 ne sauraient revenir sans faire éclater toute l’étendue de leur talent héréditaire ; l’EN d’un pays présidé par Abdelaziz Bouteflika a une responsabilité particulière due à la spécificité de la mission dont elle écope… Je n’ai pas assez de place pour aligner les quelque 2010 propositions, certaines loufoques j’en conviens, que le filet a fait remonter à la surface. Mais la plus belle, la perle, a été formulée par mon voisin de tantôt, celui qui séparait les Fennecs des Lions au nom de la rigueur de la biologie animale. Pour lui, une des raisons sérieuses dont devrait tenir compte notre EN pour avoir un parcours flamboyant en Coupe du monde, c’est d’em… (avis au correcteur : s’arrêter au premier m…) les Égyptiens ! Oui, monsieur, les maudits qui nous ont maudits, ils n’en croiraient pas leurs yeux ! Rien que parce que ça ne leur plaît pas qu’on gagne, eh bien, on gagne ! Cheuh, tape la tête contre les parois rêches des pyramides ! J’ai dû convenir de la force d’attraction de cette motivation : en mettre plein la vue à ces dénigreurs d’Egyptiens ! Comment se seraient-ils comportés, eux, sur un terrain de foot s’entend, face aux Anglais, qui jadis les colonisèrent ? Si un chien n’engendre pas un chat, un fennec rugit comme un lion, est-ce qu’un pharaon peut devenir un seigneur ? Ça n’a rien à voir, ça !… Parlons foot, vaut mieux !
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/06/20/article.php?sid=101813&cid=8
20 juin 2010
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