Jean-Paul Sartre a été, à l’occasion du centenaire de sa naissance, au centre d’une conférence animée, mercredi dernier, à la faculté des lettres et des langues de Bouzaréah. C’est Annie Cohen-Solal, professeur des Universités à l’Université de Caen et à l’École des hautes études en sciences sociales, qui a été conviée pour l’événement. “Cela fait quarante-trois ans et demi que j’ai quitté l’Algérie, et c’est la première fois que je reviens ici”, avoue-t-elle.
En effet, la biographe de Sartre est née en Algérie et habitait El Biar. Elle a quitté le pays après l’Indépendance et a rencontré Sartre pour la première fois alors qu’elle n’était âgée que de vingt ans. Elle a publié plusieurs ouvrages notamment sur Sartre. Initialement, le débat devait évoluer graduellement autour de cinq points principaux. Néanmoins, faute de temps, Annie Cohen-Solal a dû se limiter à une synthèse succincte. Sartre a d’abord été présenté comme issu d’une élite et néanmoins subversif vis-à-vis de celle-ci. Dans cette lignée, il a été question de son enfance entre sa mère et son grand-père, relatée dans son ouvrage autobiographique Les Mots. Par la suite, c’est Sartre, le pionnier de l’inter-culturalité qui a constitué l’axe de ce rendez-vous. “Sartre s’est toujours intéressé à la culture du présent”, expliquera la biographe. Et dans ce contexte, il n’hésitait pas à aller puiser de nouveaux éléments dans des cultures étrangères comme cela a été le cas avec l’introduction du jazz dans son roman la Nausée. En outre, Sartre a été le pionnier de l’admission de la littérature américaine dans les milieux culturels français. Mais de son voyage aux Etats-Unis, il ne rapportera pas que cela. Car, selon Cohen-Solal, la naissance de l’esprit de militantisme chez lui serait le résultat de son observation de la société américaine et de la ségrégation raciale qui y régnait. C’est ce point qui a permis la transition vers une autre optique, “Sartre prophète des mouvement de décolonisation”. C’est à partir de mars 1956, alors que paraît son premier article sur ce propos, que Sartre dénonce la colonisation de l’Algérie. Plusieurs autres articles paraîtront par la suite dans l’hebdomadaire l’ Express et dans sa revue les Temps modernes. Sartre sera, par la suite, le principal signataire du “Manifeste des 121”, pétition contre la poursuite de la guerre en Algérie. C’est lui, suite à toutes ses interventions, qui a fait basculer l’opinion des Français quant à la guerre d’Algérie. Réagissant à une question relative à l’article 4 de la loi du 23 février 2005 qui mentionne le rôle positif de la colonisation, Annie Cohen- Solal exprimera sa contrariété et notera qu’“il y a une très grande droitisation de la société française actuellement” et que “la gauche est en manque d’un Sartre.” A la fin de la conférence, c’est Ismaïl Abdoun, docteur d’État en littérature française et comparée, qui, brillamment, intervient pour la seconde fois afin de clôturer le débat. Il met l’accent sur l’élément prééminent dans toute l’œuvre de Sartre, aussi bien philosophique que littéraire, qui est la notion de liberté.
L. L. A.
Samedi 10 Décembre 2005
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2005/12/10/article.php?sid=31682&cid=16
18 juin 2010
LITTERATURE