Le Jeune Indépendant, 23 octobre 2005
L’écrivain Najia Abeer , de son vrai nom Benzegouta Najia, est décédée ce vendredi à l’hôpital Mustapha, à l’âge de 57 ans. Née en 1948 à Constantine, Benzegouta Najia a fait des études universitaires aux Etats-Unis. Elle a enseigné l’anglais au Moyen-Orient et en Algérie.
Elle a publié trois romans : Constantine et les moineaux de la murette paru aux éditions Barzakh, l’Albatros à Marsa éditions et Bab El-Kantara qui vient de paraître aux éditions APIC. Même si elle est venue tard à l’écriture, Najia Abeer a voulu tout donner durant ces quatre dernières années de sa vie en redoublant d’effort dans ses activités culturelles et, également, artistiques, car Najia Abeer également peintre.
Dans l’Albatros , elle relate l’histoire de deux femmes qui se battent chacune à sa manière pour l’existence. Arrêts sur images, souvenirs d’amies présentes ou déjà envolées, une petite ville non loin d’Alger avec son air marin, ses hommes de la terre et de la mer, ses sites historiques et ses résidences secondaires qui retrouvent leurs propriétaires chaque été.
Dans la vie quotidienne, elle était de ces femmes battantes, révoltées ou tout simplement de celles qui ont le courage et la volonté de briser certains tabous. Elle rend aussi un hommage à son amie qu’elle surnomme dans le roman Bariza, qui a choisi le métier de pêcheur pour nourrir ses enfants, métier jusque-là uniquement pratiqué par la gente masculine.
Elle a décrit cette femme exemplaire qui a bravé vents et vagues, alors que les misogynes ont mis du temps à l’accepter, d’autant qu’elle était belle. Il y a aussi Chérifa qui acceptait n’importe quel travail pour nourrir ses huit enfants et son mari atteint d’une maladie chronique.
Les personnages ont vingt ans, trente ans ou plus ; alors on vieillit, on fuit, on abdique ou on pleure dans ce monde sauvage. Dans ses écrits, Najia Abeer développe l’éternel mal du siècle et joue avec habileté de son talent. Elle raconte la condition de la femme en Algérie avec des personnages qui luttent contre la dépression et la mort, mais qui ont aussi des coups de folie et des coups de cour.
Le professeur Max Véga-Ritter disait de son roman : «L’albatros est plus que le roman d’une femme. Il est celui d’une crise de société, intellectuelle, aussi bien spirituelle qu’existentielle au centre de laquelle non seulement le témoin mais aussi l’acteur principal est la femme, même si elle y apparaît réduite à la sphère privée. Peut-être, justement, parce qu’elle y a été renvoyée par des forces contraires» . Dans Constantine et les moineaux de la murette, Najia Abeer plonge dans son passé vertigineux pour évoquer sa ville natale, Constantine, qui l’a bercée, mais aussi malmenée de tout l’amour qu’elle lui porte.
Dans ce récit, Najia Abeer invite le lecteur à un voyage à travers cette ville bâtie sur un rocher, agrémentée par ses ponts suspendus, ses ruelles tortueuses, ses souks aux odeurs pimentées et ses murs dont chaque pierre garde un secret, une histoire lointaine.
Dans son dernier livre Bab el-Kantara, Najia Abeer a tenu à rendre hommage aux enseignants à l’école normale de Bab El-Kantara de Constantine, un livre où l’auteur évoque l’importance du mérite et le respect des valeurs humaines. Najia Abeer était un écrivain de talent, elle savait décrire la douleur des gens, le mal du siècle.
Najia Abeer laisse un grand vide dans le monde culturel.
Belkacem Rouache
17 juin 2010
Non classé