L’ouverture hier à Luxembourg du cinquième Conseil de l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne sera-t-elle l’occasion d’accorder des violons qui se sont révélés fort disharmonieux et d’arriver à une plateforme qui puisse satisfaire les deux parties ?
Rien n’est moins sûr, tant les objectifs semblent profondément diverger. Les Européens, qui ont construit leur union économique sur la facilitation du commerce et la déréglementation, semblent aux antipodes des préoccupations algériennes, entre gonflement de la facture des importations et absence d’IDE.
De fait, la partie algérienne exprime une vive inquiétude devant l’irrésistible gonflement de sa facture d’importations dans un contexte où l’UE constitue, avec environ 55% du total, le fournisseur principal de l’Algérie. Le bilan de l’Accord d’association signé en 2005 est éloquent : les importations nationales en provenance de cette zone ont augmenté de près de 80%, passant de 11,2 milliards de dollars à 20,8 milliards de dollars en 2008. L’élimination des barrières douanières et non tarifaires a amplement bénéficié aux entreprises européennes qui se sont abstenues d’investir dans un marché ouvert et solvable.
Au-delà de la perte nette de revenus fiscaux et douaniers, l’élément le plus révélateur de la nature de la relation entre l’Algérie et l’UE est bien dans la modicité remarquable des investissements directs européens. Les mesures de mise à niveau des entreprises algériennes n’ont à l’évidence pas permis à ces dernières d’amorcer un processus de modernisation indispensable.
Les résultats pour le moins déséquilibrés de l’accord de 2005 sont imputés par la partie européenne aux capacités sous-entendu non régulées – d’absorption du marché algérien à fort pouvoir d’achat.
De fait, ces discussions risquent d’être un dialogue de sourds, tant les positions des uns et des autres semblent éloignées. Les Européens sont plutôt satisfaits d’un rapport qui confine l’Algérie dans un rôle de marché de déversement et de fournisseur d’hydrocarbures de proximité.
Les Algériens, faute d’une stratégie de développement lisible et mobilisatrice, sont réduits à limiter les dégâts d’une politique d’ouverture à contrepartie politique. La logique européenne est purement marchande. Dans un contexte de reprise molle et de crise de l’euro, il n’est d’autre objectif que de maintenir un cap très rentable.
Les Européens ont beau jeu de faire valoir qu’admettre que le dogme libéral de désétatisation de l’économie, applicable partout et en toutes circonstances, conduit naturellement à rejeter la nécessité de protéger les productions locales et à ouvrir le marché.
Face aux effets extrêmement négatifs de cette option et faute d’un cadre administratif opérationnel, seules des mesures autoritaires, à l’efficacité de long terme problématique, ont pu être prises par la partie algérienne. Ce qui leur avait valu les foudres de la baronne Ashton, alors chargée du commerce à l’UE.
La stratégie strictement mercantile des Européens est à courte vue. Une faible performance économique de l’Algérie se répercutera inéluctablement sur l’Europe. La logique de marché l’emportera-t-elle sur le principe du développement ?
Les orientations idéologiques et les intérêts de leurs entreprises conduiront naturellement les négociateurs européens à tenter d’imposer le statu quo. Il appartient donc à l’Algérie de formuler – lisiblement – ses alternatives.
16 juin 2010
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