D’après le président de la Fédération de l’équipe nationale, il ne faut blâmer personne. Enfin… il a cité les joueurs blâmables, mais pas le plus blâmable : l’entraîneur. Ce qui fait ressembler cette plaidoirie à un baiser de Judas sur le front de Saâdane.
Il ne faut donc blâmer personne et juste se contenter de battre l’Angleterre et les États-Unis. D’ailleurs, ce n’est déjà plus le moment de s’en prendre aux joueurs, à l’entraîneur, à la fédération ou à Nedjma. De plus urgentes tâches nous attendent dans la défense des couleurs. Ce supporter qui a porté haut le drapeau national sur un mât de projecteur, et que la justice sud-africaine va, semble-t-il, poursuivre ; il faut aller sauver notre “soldat Rayan” ! Ce journal français qui a trop librement décrit le look des joueurs algériens. Ces fêtards aux arrière-pensées racistes qui programment un apéro “saucisson-pinard” le jour de la prière du vendredi, à moins que ce ne soit le jour du match Algérie-Angleterre. Ces Égyptiens qui crèvent de jalousie de ne pas compter parmi les représentants de l’Afrique à cette Coupe du monde, alors que nous y sommes.
Ce ne sont pas les grandes causes qui manquent, et cela fait autant de cibles de rechange pour ceux qui ont besoin d’exprimer leur engagement pour les couleurs.
Après, on verra. Après vendredi, bien sûr. Si le score permet un surplus d’espoir, l’autosatisfaction reprendra de plus belle, sinon nous devrons nous concentrer sur les défis qui nous attendent, dont certaines “tâches immédiates” du… gouvernement. Comme la préparation de la saison estivale, une préparation faite de plans Delphine et Azur, respectivement pour les “verts” et les “bleus”. Une approche toute policière du confort des estivants, car la manière dont vous serez accueillis à la plage, cela, c’est l’affaire des communes littorales.
L’été ne durera que le mois de juillet, cette année. Les plans Delphine et Azur seront adaptés aux activités propres qu’impose le mois sacré, celles qui relèvent des registres de la foi, de l’irascibilité légitime d’un peuple en abstinence et de la quête gastronomique quotidienne. En plus d’un surplus d’effectif sécuritaire, quatre milliards de finances alimentaires sont spécialement “dégagés” pour agrémenter notre régime de privation.
Le football nous détourne de bien des soucis. Mais il n’y a pas que le football pour nous fournir les occasions d’illustrer notre disponibilité patriotique : quantité d’agissements belliqueux, à l’étranger notamment, nous donnent l’occasion de démontrer notre disponibilité patriotique. Et tous ces budgets qui nous sont chaque jour révélés nous rappellent aussi qu’il n’y a pas que le football qui peut témoigner de la prévoyance politique nationale.
Ce n’est pas encore l’après-pétrole, heureusement, mais c’est le début de l’après-football. Même Ould-Abbès s’est trouvé un autre enjeu : la réconciliation des médecins, “la paix revenue” dans les hôpitaux. Le ministre des Sports semble bien esseulé dans ce tournoi où l’équipe est “dépolitisée” pour manque de résultats.
Dans moins de deux mois, reprendra le train-train sonore de notre bon vieux championnat qui commencera par animer nos longues soirées de Ramadhan. En attendant d’autres miracles.
Chronique (Mercredi 16 Juin 2010)
Par : Mustapha Hammouche
16 juin 2010
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