L’Algérie attend toujours de relever les défis de la décennie 2000. Ils sont au nombre de trois et nous avons souvent eu à les évoquer.
1/ Rechercher et obtenir une croissance économique forte, soutenue et endogène, c’est-à-dire qui s’alimente elle-même. Il faut, ici, changer de régime de croissance.
2/ Chercher de manière permanente à améliorer la compétitivité des entreprises pour les aider, en contexte d’ouverture commerciale, à reconquérir les parts de marché intérieur perdues mais aussi et surtout, à se faire une place sur les marchés extérieurs. Il faut, ici, mettre en œuvre une politique de l’offre.
3/ Renforcer, sans discontinuer, la cohésion sociale mise à mal ces dernières années, ce qui passe nécessairement par une amélioration du bien-être social de chacun. Il faut aussi l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique sociale de rattrapage. Pour relever ces défis, l’Algérie a besoin d’une bonne gouvernance et celle-ci passe par la réforme de l’État. Mais réformer l’État suppose et exige la mise à plat des politiques publiques. Quel est aujourd’hui le contenu de celles-ci ? Quelles nouvelles orientations leur donner à l’avenir ? Comment les rendre plus efficaces au moment où les citoyens et notamment les plus exposés socialement, demandent plus d’État ? Ce sont toutes ces questions qui prédéterminent le sens à donner à la réforme de l’État. Dans le cas de notre pays, il faut bien se rappeler que la responsabilité sociale de l’État est une revendication forte des Algériens, revendication qui est inscrite dans le mouvement de libération nationale. Cette revendication est d’autant plus légitime que le pays dispose d’une rente qui appartient à toute la nation. Mais dans le même temps, l’équilibre des finances publiques et donc la gestion rigoureuse du budget de l’État sont des impératifs forts dans un pays où, jusqu’à présent, l’essentiel des ressources financières provient d’une richesse non renouvelable.
La réforme de l’État suppose la révision générale des politiques publiques (RGPP)
En Algérie, quel contenu peut avoir cette RGPP ? L’idée est simple à énoncer mais difficile à concrétiser : il faut rendre l’État plus efficace dans la conception et la réalisation des politiques publiques en évitant d’obérer les finances publiques, d’aggraver les déficits budgétaires. En un mot comme en mille, il s’agit de gérer efficacement les actions sociales de l’État sans les amoindrir.
Le problème, on le voit, n’est pas simple à résoudre. Nous avons d’un côté une attente de plus d’État de la part des citoyens, un retard important à combler dans la qualité du service public et particulièrement dans les domaines de la santé et de l’éducation, donc une responsabilité sociale de l’État lourde à assumer et de l’autre côté, des exigences d’orthodoxie financière pour éviter aux générations futures une dette publique trop lourde, sinon impossible à porter. L’exercice de révision des politiques est, on le voit, complexe et redoutable. Toute action de l’État doit être soumise à l’impératif de performance, d’efficacité mais en même temps l’État ne peut pas, ne doit pas être géré comme une entreprise. Le second problème à résoudre pour réussir la réforme de l’État touche à la nécessaire construction d’un consensus gouvernement-syndicat-usagers. Le dialogue social doit être au cœur de la réforme de l’État.
La révision générale des politiques publiques (RGPP)
Les politiques publiques sont des fonctions assumées par l’État et par lesquelles il redistribue aux citoyens, sous forme directe ou indirecte, une partie des richesses dégagées par la nation. Il utilise pour cela les impôts qu’il collecte ainsi que l’instrument budgétaire. Les transferts sociaux constituent le vecteur de redistribution utilisé par l’État. Avec la crise économique et les difficultés financières qui en découlent, le financement des politiques publiques devient de plus en plus difficile. L’Algérie, en situation d’embellie financière depuis ces dernières années, ne doit pas perdre de vue les problèmes de financement des politiques publiques, problèmes qui apparaîtront plus vite qu’on ne le croit. Deux thèses sont développées au sujet de cette question du financement des politiques publiques :
1/ La première préconise que l’État se retire et réduit de manière significative ses politiques publiques, laissant au marché le soin de distribuer les services collectifs. L’État réduit le périmètre de solidarité.
2/ La seconde thèse défend l’idée selon laquelle l’État maintient ses politiques publiques mais procède à une révision de leur gestion en cherchant à faire des économies, à lutter contre les gaspillages, mais sans remettre en cause la protection des citoyens contre les risques. Cette protection doit rester une fonction principale de l’État. Nous pensons, quant à nous, que les politiques publiques ont toujours été articulées autour d’une conception de l’État, agent protecteur-redistributeur.
C’est le triomphe de l’État-providence, un État qui, pour assurer la protection sociale, se fonde sur le service public et repose sur de nombreuses entreprises publiques. Le maintien de cet État-providence est aujourd’hui remis en question . Avec la mondialisation libérale et ses exigences de compétitivité, l’État-providence devient l’État régulateur, cet État qui se caractérise par un rétrécissement du champ du service public et du périmètre de solidarité. Cet État repose sur un secteur public modeste, un service public nouveau où la gestion par le privé n’est pas exclue et est même, dans certains cas, encouragée. Dans cet État régulateur, un dilemme apparaît et n’a pas trouvé encore à ce jour de réponse satisfaisante :
1 – La crise sociale, la paupérisation, l’exclusion et le développement des inégalités que charrie la mondialisation, entraînent, de la part de la société, une demande d’État de plus en plus forte. En Algérie cette demande d’État est encore plus forte car plus légitime.
2 – La crise financière des États, plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’a été jamais, l’exigence de compétitivité des entreprises nécessite une réduction des dépenses publiques, c’es-à-dire, en fait, une réduction des transferts sociaux aux ménages (santé, pensions, allocations familiales…) et une diminution des charges sociales payées par les entreprises. L’équation n’est, on le voit, pas simple à résoudre et la réforme de l’État qui attend l’Algérie reste un enjeu capital.
A. Bouzidi
Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/06/16/article.php?sid=101661&cid=8
16 juin 2010
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