Le poète, écrivain et journaliste Djamel Amrani n’est plus. Il s’est éteint mercredi dernier, au soir, dans son domicile à Alger. La nouvelle est tombée comme un couperet tard dans cette soirée froide et maussade. Notre poète s’en est allé, comme s’en vont ces troubadours, ces prestidigitateurs à travers les sentiers tortueux pour semer leur poésie dans les hameaux et les bourgs oubliés.
Sa voix ténébreuse et rocailleuse s’est tue. Désormais, on ne pourra plus entendre ses “Temps de vivre” qui déchirent le silence accablant de minuit. Les ondes de la chaîne III sont restées orphelines. Orphelines de cette voix grave mais tendre. De ces mots tantôt acérés, tantôt lisses ; tantôt orageux tantôt calmes. Car les poèmes de ce grand monsieur ne sont déclamés que pour extérioriser des maux. Ceux d’antan et d’aujourd’hui. Devra-t-on aujourd’hui, maintenant qu’il a quitté cette terre torturée, encore une fois présenter cette plume? Devra-t-on derechef retracer son parcours ? Certainement pas. Mais le devoir de mémoire nous incite à le faire, notamment dans pareilles circonstances. Djamel Amrani est né un certain 19 août 1935 à Sour El Ghouzlane, dans la wilaya de Bouira. “Cette âme sensible et tourmentée” qui a porté l’Algérie dans son cœur a traîné la grande blessure d’une adolescence frappée de plein fouet par la révolution algérienne. Son engagement et son militantisme pour l’indépendance de l’Algérie, il les a chèrement payés. Il est resté, depuis cette triste expérience, démuni d’une partie de son corps. La blessure physique s’est cicatrisée, mais le fond de sa personne est éternellement secoué. “Je n’ai jamais eu l’occasion de guérir. Ma plaie reste béante à jamais”, disait-il. Il ne s’agit pas là seulement de la torture dont il a été victime, mais aussi de l’assassinat, en série, de son père, de son frère et de son beau-père par l’armée coloniale. Un acte barbare qu’il n’a de cesse de répéter dans ses œuvres : “Bivouac des certitudes”, “Déminer la mémoire”, “La nuit du dedans”, “Vers l’amont”, “Entre la dent et la mémoire”, “La nuit du dedans”… Par ailleurs, en guise de reconnaissance, notre poète s’est vu décerner le prix des libraires algériens 2004 pour l’ensemble de ses œuvres, par l’Association des libraires algériens (ASLIA), en marge du 9e Salon international du livre. Aussi il s’est vu remettre la médaille présidentielle “Pablo Neruda” à l’occasion de la commémoration du centenaire de la naissance de ce célèbre poète chilien. Djamel Amrani s’en va. Il a rejoint le firmament pour demeurer aux côtés de tous les poètes de l’univers. Repose en paix artiste !
H. C.
Samedi 05 Mars 2005
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2005/03/05/article.php?sid=20128&cid=16
10 juin 2010
EPHEMERIDES