La santé morale de nous autres est fortement liée à la prévision d’événements. On se rend compte assez jeune, en effet, que l’on ne se sentait bien que si on avait une perspective intéressante et encourageante à nous mettre sous la dent. L’espoir fait vivre, dit-on, et cela semble une expression assez proche de notre ressenti pour la faire nôtre aujourd’hui. A partir du moment où il y a une «carotte» suffisamment alléchante, on est capable de bien des choses, efforts physiques ou mentaux, concentration, efficacité. Si on ne trouve plus de carotte, ou si on se rend compte que l’on ne pourra jamais l’atteindre parce qu’elle est trop loin ou trop incertaine, psychologiquement, on s’effondre.
Aujourd’hui, les choses se sont compliquées. Mais cette fois, tout ne dépend plus que de nous. On n’est plus seuls maîtres à bord. D’une minute à l’autre, une chute inopinée, une otite carabinée, un caprice hystérique peuvent détruire les plans pourtant les mieux construits. Impossible de prévoir à coup sûr une sortie, un loisir, voire un petit quart d’heure de temps libre, en silence. Il faut maintenant voler ces instants, les optimiser à mort, en prévoyant la possibilité de devoir tout arrêter dans l’instant pour une urgente urgence.
C’est bientôt la Coupe du monde. Notre onze nationalisé va rencontrer la Slovénie. Les calculs commencent. On fait une première victoire, puis un nul lors de la deuxième rencontre et c’est presque le deuxième tour qui est garanti. L’entraîneur national deviendra l’homme providentiel. Les chansons fuseront de partout. Le sourire s’affichera sur tous les visages. En attendant que s’affichent les prix sur les étals du ramadhan et que revienne le technaf, on aura oublié toutes les victoires arrachées, toutes les histoires rabâchées et le calcul, le vrai calcul, celui qui nous rappellera toutes les faillites, émergera avec tout son lot de machakil là
A l’unisson, nous scanderons la fable de la carotte. Allah idjib el-khir, diront les uns. Les autres diront qu’el-khir, ce n’est pas ce qui manque. C’est Belkhir, celui qui peut le gérer équitablement, qu’on n’arrive pas à trouver.
9 juin 2010
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